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Mise à jour le : 11/06/2024
En décembre dernier était annoncé un «acte 2» de l’autonomie des universités, réaffirmant leur rôle de cheffes de file pour favoriser la synergie entre formation, recherche et innovation sur leur territoire. L’université de Bordeaux fait partie des neuf établissements retenus pour expérimenter de nouvelles mesures en faveur d’une autonomie renforcée. Explications de son président, Dean Lewis.
Dean Lewis : Tout d’abord je tiens à rappeler que l’autonomie est consubstantielle à l’université, une institution qui a toujours été et qui doit rester administrée par ses membres. L’autonomie des universités a ainsi été réintroduite en France à partir de 2009 (en application de la Loi relative aux libertés et responsabilités des universités de 2007, dite « loi LRU »). Grâce au travail d’introspection réalisé à cette occasion, les universités françaises ont pu redéfinir leur place dans la société et leur socle de valeurs, mais aussi acquérir la capacité de se fixer une stratégie à long terme. Au niveau du site bordelais, cette démarche a conduit à élaborer un nouveau modèle d’université pluridisciplinaire, concrétisé par la création de l’université de Bordeaux il y a déjà 10 ans.
Il s’agissait de donner aux universités la gestion de leurs moyens en adéquation avec leur stratégie. Dans un premier temps, la gestion des emplois et de la masse salariale associée a été transférée à tous les établissements ayant accédé aux responsabilités et compétences élargies. Certains d’entre eux, comme l’université de Bordeaux, ont ensuite obtenu la pleine propriété, ou la « dévolution », de leur patrimoine, pour leur permettre de définir une stratégie immobilière en soutien de leur stratégie d’établissement. Ainsi, grâce à cette dévolution, plus de 600 logements étudiants seront livrés d’ici 2025 (campus Rocquencourt) et nous envisageons d’autres opérations de construction de logements (étudiants et personnels) ou de locaux pour accueillir des entreprises innovantes en lien avec nos activités de recherche.
Malgré une volonté politique affirmée, la France reste en retard en matière d’autonomie, comme le rappelle le tableau de bord 2024 de l’Association des universités européennes (EUA), qui compare l’autonomie des systèmes d’enseignement supérieur de 35 pays européens, et dans lequel notre pays est classé 24e. Les freins à notre autonomie sont en effet multiples. On peut citer la contrainte budgétaire, et notamment l’insuffisance chronique et sans cesse croissante de financement de la masse salariale, qui contraint la structure d’emploi des universités, alors même que leurs missions et leurs périmètres d’activités ne cessent de s’accroître. On peut aussi citer la relation avec la tutelle ministérielle, avec des processus administratifs ou de gestion, nombreux, lourds et complexes, reflétant une volonté de contrôle permanent, a priori et a posteriori. On peut encore citer la complexification de l’organisation de l’ESR français (universités, organismes de recherche, agences de programmes ou de financements).
Des limites ont aussi été posées par la communauté universitaire elle-même, qui a considéré que certains dispositifs RH proposés par la LRU affaiblissaient les statuts et les cadres réglementaires nationaux (le « CDD LRU », par exemple), ce qui a limité leur champ d’application. Enfin, concernant les activités de formation, la communauté universitaire et l’État restent attachés à juste titre au caractère national des diplômes, considéré comme gage d’équité et de meilleure visibilité pour les étudiants.
D.L. : Le président de la République a annoncé « l’acte 2 » de l’autonomie le 7 décembre 2023 en réunissant un certain nombre d’acteurs de la recherche en France. Dès le mois de janvier, le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche (MESR) a entamé des échanges avec les conférences ou associations d’universités (dont France Universités et Udice) et de grandes écoles pour établir un tableau de mesures pouvant être expérimentées pendant 18 mois par une dizaine d’établissements pilotes.
L’université de Bordeaux a été choisie pour être l’un d'eux d’abord parce qu’elle a su s’approprier « l’acte 1 » de l’autonomie en utilisant intelligemment les leviers à sa disposition. On peut citer en exemple la possibilité de publier des postes de professeurs des universités en surnombre, afin de promouvoir plus d’une centaine de maîtres de conférences et de corriger ainsi les effets d’accordéon liés à une pyramide des âges défavorable, ou la création d’un « CDD LRU doctorant » en lieu et place du statut de vacataire. Un autre exemple est la mise en place à venir d’un équivalent RIPEC C3 pour les enseignants à statut second degré.
Notre université a aussi été sélectionnée parce qu’elle a démontré sa capacité effective à piloter ses grandes fonctions administratives et techniques (ressources humaines, budget-finance, patrimoine, etc.), comme en témoigne le dernier rapport du Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur. Enfin, notre sélection à titre d’établissement pilote démontre aussi la qualité du dialogue social à l’université de Bordeaux, qui permet d’aborder des sujets complexes et sensibles dans un climat que nous voulons apaisé et constructif.
D.L. : Il s’agit non seulement de choisir, mais aussi d’ajouter éventuellement des dispositions que l’université de Bordeaux attend et anticipe depuis longtemps, et dont la mise en œuvre n’exige pas de modifier nos organisations et nos processus. Nous serons en effet très attentifs à ce que ce nouveau chantier n’alourdisse pas la charge de travail des personnels. Notre objectif est, au contraire, de lever certains verrous réglementaires pour introduire plus d’agilité, tout en relâchant les contraintes calendaires en limitant les interactions ou les contrôles de la tutelle.
Nous pourrions ainsi expérimenter, à titre d’illustration :
D.L. : Les deux mois à venir seront consacrés à une discussion approfondie avec les communautés. Celle-ci s’appuiera sur les différentes instances de l’établissement et sur le dialogue social. Ce travail permettra d’arrêter une liste de propositions qui feront l’objet d’échanges avec le ministère et l’inspection générale. Les quelques propositions retenues seront ensuite présentées au Conseil d’administration de l’université pour validation. Afin d’être mise en œuvre, la majorité de ces propositions nécessitera des modifications législatives encore incertaines aujourd’hui, compte tenu du contexte politique national.