«Chercher pour comprendre»

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Chercheuse en neurosciences au laboratoire Nutrineuro, Enrica Montalban est lauréate du tout premier prix Marian Diamond, imaginé par Bordeaux Neurocampus pour soutenir et récompenser le travail de recherche d’une postdoctorante. Portrait.

Photo : Enrica Montalban, lauréate du Prix Marian Diamond 2024  © université de Bordeaux
Enrica Montalban, lauréate du Prix Marian Diamond 2024 © université de Bordeaux

D’origine italienne, Enrica Montalban, 38 ans, raconte son brillant parcours avec modestie, un accent chantant et des yeux pétillants. Un parcours jalonné d’expériences exceptionnelles, à la hauteur de sa rigueur et de sa détermination à trouver des réponses à ses questionnements. 

Au départ, elle aimait plutôt les lettres et s’était engagée dans la voie classique (lettres, latin, grec, philosophie…) et c’est lors d’un cours de chimie inorganique que se produit le déclic scientifique, car cela expliquait « comment les choses fonctionnent ». Or ce que la jeune femme aime par-dessus tout, c’est comprendre comment toute chose fonctionne !

Elle choisit alors d’intégrer une licence de biologie moléculaire et génétique à l’université de Rome, puis de poursuivre en master de neurosciences. Elle effectue sa première expérience de recherche - et publie son premier article scientifique ! - au cours de son internship au sein de l’European Brain Research Institute Rita Levi-Montalcini, nom de la neurologue italienne co-lauréate du prix Nobel de médecine en 1986 pour sa découverte du facteur de croissance nerveuse (NGF). « J’ai eu la chance de travailler dans ses laboratoires, et d’assister à la célébration de ses 100 ans ! »  confie-t-elle. « Grâce à une bourse de la Fondation Rita Levi-Montalcini, j’ai pu terminer mes manips de master. » Ils feront l’objet d’une publication en 2014.

Du plaisir à l’addiction : l’étude de la dopamine 

Pour son doctorat, elle souhaite faire l’expérience de la mobilité internationale. Elle repère un sujet de thèse portant sur l’étude des changements génique des neurones du striatum en lien avec la stimulation du système de la récompense à l'Institut du Fer à Moulin à Paris (Inserm & Sorbonne Université) et postule à une bourse européenne Marie Skłodowska-Curie sans trop savoir de quoi il retourne. Sélectionnée grâce à son parcours déjà prometteur, elle commence son travail de doctorat conjoint sous la direction de Jean-Antoine Girault, directeur de recherche en biologie cellulaire et neurosciences, et le poursuit à l’Université Rockefeller de New York.
 

J’aime être proche des solutions. Mais mon plaisir est avant tout de comprendre comment ça marche.

Son travail de doctorat a permis d’identifier les mécanismes moléculaires qui sous-tendent au système de récompense : l’adaptation à long terme des neurones sensibles à la dopamine dans le striatum. Cette partie intérieure du cerveau régule notamment la motivation et tient un rôle clé dans la prise de décision et dans les phénomènes d'addiction. Elle étudie également les changements génétiques qui se produisent dans le cerveau en présence d’états pathologiques, comme dans la recherche compulsive de nourriture.

Car Enrica Montalban veut tout comprendre, détricote, tourne la question dans tous les sens. Après sa soutenance de sa thèse en 2016, elle entame une carrière postdoctorale où elle s’intéresse aux bases neurobiologiques des troubles de l’alimentation. Elle travaille avec un spécialiste du métabolisme, Serge Luquet (Biologie fonctionnelle et adaptative, CNRS - Université de Paris), sur le polymorphisme du gêne Taq1A1, lié à une baisse de récepteurs de la dopamine dans le striatum, que l’on retrouve dans presque toutes les addictions. Puis elle rejoint l’équipe « Nutrition et dimensions neuropsychiatriques » (NutriPsy) du laboratoire bordelais Nutrineuro (Bordeaux INP, Inrae, université de Bordeaux) en 2022, sous la direction de Lucile Capuron, spécialiste en recherche translationnelle sur les troubles psychiatriques, première femme récompensée par le prix Marcel-Dassault 2018. 
 

Concilier recherche et vie de famille

Impliquée dans le comité de développement durable et de responsabilité sociale, Enrica Montalban promeut le bien-être des femmes dans les laboratoires. « Personnellement, j’ai eu de la chance de ne travailler qu’avec des personnes qui croyaient beaucoup en ma science. Mais j’ai vu nombre de jeunes chercheuses se bagarrer davantage pour se faire entendre… »

Maman d’un garçon de 9 mois, la chercheuse confesse que ce n’est pas tous les jours faciles de concilier vie personnelle et vie professionnelle. « Il y a une seule date pour les concours de maître de conférence, pour des questions d’équité bien sûr. J’ai accouché le 9 du mois et j’ai soutenu le concours le 23. J’ai préparé mes slides à la maternité ! J’ai la chance d’avoir un conjoint, scientifique lui aussi, qui comprend mes problématiques et mes impératifs. Sans soutien extérieur, je ne sais pas comment font mes consœurs… » La réussite ne sera pas au rendez-vous cette fois-là, mais Enrica Montalban est persévérante.

Le prix Marian Diamond, obtenu le 9 février 2024 à Bordeaux Neurocampus, vient s’ajouter à une liste déjà longue de récompenses. C'est également l’opportunité de présenter ses travaux sur les niveaux de dopamine en relation avec les symptômes des patients obèses lors de la journée du Neurocampus de Bordeaux, le 16 mai prochain. 

  • Les femmes à l’honneur à Bordeaux Neurocampus

    Le premier prix Marian Diamond a été décerné le vendredi 9 février 2024, récompensant une postdoctorante pour la qualité de son travail de recherche et son implication dans la communauté scientifique.

Au-delà de la gratification pécuniaire, le prix Marian Diamond est une superbe initiative : il représente une considération importante pour les femmes scientifiques, et il arrive à un moment particulier de ma carrière. C’est aussi l’opportunité pour moi de présenter ma recherche à la communauté !  

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