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À la Roche-Cotard, les plus anciennes gravures de France identifiées sur les parois d’une grotte

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Dans la grotte de la Roche-Cotard (Indre-et-Loire), des gravures pariétales, réalisées avec les doigts, viennent d’être datées de plus de 57 000 ans, et remontent vraisemblablement à environ 75 000 ans. Réalisées par Néandertal, elles font de la Roche-Cotard la plus ancienne grotte ornée à gravures de France - et peut-être même d’Europe - connue à ce jour. Ces travaux interdisciplinaires impliquant Jacques Jaubert, enseignant-chercheur à l’université de Bordeaux au laboratoire De la Préhistoire à l’actuel : Culture, environnement et anthropologie (PACEA), ont été publiés dans PLOS ONE le 21 juin 2023.

Photo : Le « panneau circulaire » (tracés en forme d'ogive) et le « panneau ondulé » (deux tracés contigus) © J.-C. Marquet
Le « panneau circulaire » (tracés en forme d'ogive) et le « panneau ondulé » (deux tracés contigus) © J.-C. Marquet

Mise au jour en 1846, la grotte de la Roche-Cotard est restée inaccessible jusqu’en 1912, date à laquelle le propriétaire du terrain sur lequel elle est située en a dégagé l’entrée colmatée, qu’il a présenté dans une note en 1913, illustrée de photos et d’un plan. En 1976, Jean-Claude Marquet, alors à l’Université de Dijon, y poursuit des fouilles.

Mais c’est en 2008 qu’a repris véritablement le travail de recherche sur cette grotte, grâce à un projet pluridisciplinaire. Ce sont ces travaux qui ont permis de découvrir et de contextualiser les gravures, localisées sur une paroi de tuffeau (pierre dite tendre, qui a permis de bâtir les décors typiques de l'architecture de la Renaissance présente dans les régions autour de la Loire) d'une douzaine de mètres de longueur, couverte, dans sa partie supérieure, d'un mince film d'altération.

Ces tracés ont été majoritairement réalisés avec les doigts, soit par simple contact sur la surface du tuffeau altéré, soit par un déplacement du doigt. Ils représentent des motifs non figuratifs, certains plutôt simples comme des impacts de doigts entourant un grand fossile inclus dans la roche ou formant de longs tracés recouvrant une vaste surface, certains plus élaborés.

Une étude expérimentale et des relevés précis selon les méthodes les plus performantes (photogrammétrie) ont permis de caractériser, de relever et de reproduire expérimentalement de tels tracés, de confirmer leur caractère humain et d’éliminer toute hypothèse de production fonctionnelle, naturelle, animale, géologique ou accidentelle les concernant. Ces mêmes études, combinées à l’analyse des traces d’altération et des différences colorimétriques, ont permis d’écarter la possibilité que ces tracés aient pu être réalisés après l’ouverture de la cavité en 1912. Ils sont donc bien antérieurs au XXe siècle.

Dès lors, la question était de savoir à quelle période ces gravures avaient été réalisées. L’étude des sols a montré que la grotte a été en partie inondée à plusieurs reprises par la Loire, dont le cours actuel passe à deux kilomètres du site. Au cours des millénaires, des limons d’inondation ont envahi la cavité et ont recouvert des couches archéologiques contenant d’outils néandertaliens, découverts en 1912. Ces limons ont fini par colmater l’entrée de la grotte, en la dissimulant sous plusieurs mètres de dépôt. Sa fermeture a pu être datée en déterminant l’âge de ces dépôts par luminescence stimulée optiquement.

De nouvelles datations obtenues en 2023 montrent que la grotte a été fermée il y a environ 57 000 ans, soit une période où Homo sapiens n'était pas encore présent en Europe. La base de la principale couche de limons de débordement de la Loire, celle qui a recouvert les couches archéologiques, elles-mêmes très probablement contemporaines des gravures pariétales, a fait l’objet de deux datations qui ont donné un âge d’environ 75 000 ans.

Néandertal a donc occupé cette grotte il y a au moins 57 000 ans, et cette occupation remonte vraisemblablement à 75 000 ans. Il y a laissé des outils, des ossements d’animaux et, fait exceptionnel, des gravures pariétales. Cette étude menée avec le concours de Jacques Jaubert, enseignant-chercheur à l’université de Bordeaux au laboratoire De la Préhistoire à l’actuel : culture, environnement et anthropologie (CNRS, université de Bordeaux, Ministère de la Culture) montre ainsi que les gravures pariétales ne sont pas propres à Homo sapiens.


Les laboratoires français impliqués sont :

  • Cités, Territoires, Environnement et Sociétés (Citeres, CNRS/université de Tours),
  • GéoHydrosystèmes continentaux. Faculté des Sciences. Université de Tours,
  • Centre Tourangeau d’histoire et d’étude des sources de l’Université de Tours (CeTHiS)
  • Archéozoologie, archéobotanique : sociétés, pratiques et environnements (AASPE, CNRS/MNHN),
  • Géosciences Rennes (CNRS/Université de Rennes),
  • Institut des Sciences de la terre d’Orléans (CNRS/BRGM/Université d’Orléans),
  • Laboratoire de géographie physique et environnementale (Geolab, CNRS/Université Clermont Auvergne/Université de Limoges),
  • De la préhistoire à l'actuel : culture, environnement et anthropologie (Pacea, CNRS/Ministère de la Culture/Université de Bordeaux),
  • Histoire naturelle de l'Homme préhistorique (CNRS/MNHN/Université de Perpignan via Domitia)
  • Archéologie et sciences de l’antiquité (ArScAn, CNRS/Ministère de la Culture/Université Panthéon-Sorbonne/Université Paris Nanterre),
  • Cultures et environnements : préhistoire, antiquité, Moyen-Âge (Cepam, CNRS/Université Côte d’Azur),
  • Archéologie et archéométrie (ArAr, CNRS/Université Lumière Lyon 2).

Des scientifiques de l’Inrap ont également participé à cette étude.

Références

The earliest unambiguous Neanderthal engravings on cave walls: La Roche-Cotard, Loire Valley, France. Jean-Claude Marquet, Trine Holm Freiesleben, Kristina Jørkov Thomsen, Andrew Sean Murray, Morgane Calligaro, Jean-Jacques Macaire, Eric Robert, Michel Lorblanchet, Thierry Aubry, Grégory Bayle, Jean-Gabriel Bréhéret, Hubert Camus, Pascal Chareille, Yves Egels, Émilie Guillaud, Guillaume Guérin, Pascale Gautret, Morgane Liard, Magen O’Farrell, Jean-Baptiste Peyrouse, Edit Thamó-Bozsó, Pascal Verdin, Dorota Wojtczak, Christine Oberlin, Jacques Jaubert. PLOS ONE, le 21 juin 2023. 

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Contact

  • Jacques Jaubert

    Chercheur université de Bordeaux

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