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Le cerveau tout au long de la vie

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Immersion dans les neurosciences pour le 3e épisode de la série consacrée aux départements de recherche de l’université de Bordeaux. Jérôme Baufreton, Aude Panatier et Mathieu Wolff dévoilent les contours de Bordeaux Neurocampus.

Photo : Aude Panatier, Jérôme Baufreton (au centre) et Mathieu Wolff de la direction du département © Arnaud Rodriguez - Bordeaux Neurocampus
Aude Panatier, Jérôme Baufreton (au centre) et Mathieu Wolff de la direction du département © Arnaud Rodriguez - Bordeaux Neurocampus

Dans le panorama des onze départements de recherche de l’université, Bordeaux Neurocampus tient une place particulière, voire singulière. Tout d’abord par sa longévité. C’est le seul à avoir été créé avant même l’établissement en janvier 2014. En effet, Bordeaux est depuis longtemps une terre des neurosciences. Au début des années 1990, le premier Institut fédératif de recherche en neurosciences cliniques et expérimentales a vu le jour et prend le nom de Fédération Bordeaux Neurocampus en 2013 avant de devenir département de recherche de l’université en 2019 (Cf. article « Bordeaux est devenu un lieu incontournable pour la recherche en neurosciences »).

« Le département étudie tout ce qui touche au fonctionnement du cerveau, des éléments les plus intimes, comme la communication entre les neurones jusqu’aux pathologies neurologiques les plus complexes » résume son directeur actuel, Jérôme Baufreton de l’Institut des maladies neurodégénératives (IMN) secondé dans sa fonction par Mathieu Wolff de l’Institut de neurosciences cognitives et intégratives d’Aquitaine (INCIA) et Aude Panatier du Neurocentre Magendie*.

Une unité thématique et une unité de lieu

Bordeaux Neurocampus, c’est une unité. Une unité thématique tout d’abord, celle du cerveau, un domaine unique mais aussi très interdisciplinaire, précisent-ils. En effet, à travers 56 équipes, les chercheurs s’intéressent à la structuration cellulaire (neurones et leurs points de jonctions - les synapses - ou encore les cellules les entourant appelées cellules gliales, les récepteurs membranaires…) mais aussi à la physiologie et aux comportements (locomotion, mémoire, sommeil, prise de décision…) jusqu’aux maladies neurodégénératives (Parkinson, Alzheimer par exemple) et troubles psychiatriques. La diversité des recherches conduites dans les équipes est une force. Tant est si bien qu’avant même de lancer des collaborations nationales ou internationales, les chercheurs ont juste à aller frapper à la porte du bureau d’à-côté pour trouver les expertises qui leur manquent pour développer leur projet.
En effet, Bordeaux Neurocampus, c’est aussi une unité de lieu. Les six instituts composant le département, ainsi que les plateformes, se trouvent sur le campus de Bordeaux Carreire, proches également de partenaires historiques comme le CHU et le Centre hospitalier Charles Perrens.

« C’est une structuration qu’on nous envie et qui est un élément de visibilité » explique Mathieu Wolff évoquant d’autres centres en neurosciences nationaux, où les chercheurs sont souvent disséminés sur plusieurs sites. « Cette structuration permet de créer un sentiment d’appartenance. C’est aussi un avantage, un accélérateur de carrière de travailler dans un tel environnement », ajoute Jérôme Baufreton. Quel est le rôle du département dans tout cela ? C’est tout d’abord, pour son directeur, « un rôle fédérateur à travers notre animation scientifique et des actions ciblées qui créent du lien entre les unités et les personnels ». Pour Mathieu Wolff, « il jette les passerelles entre les différentes unités, facilite l’intégration des jeunes chercheurs, il est essentiel à la cohésion de la communauté de plus de 800 personnes ». Il finance également via des « seed projects » des projets d’amorçage inter-unités dont plus de la moitié sont ensuite pris en charge par l’Agence nationale de la recherche (ANR).

Une thématique médiatisée et fascinante

« Toute la communauté peut et veut être actrice » précise Aude Panatier. Cette dynamique est possible grâce à l’équipe administrative du département ainsi qu’à l’ensemble des personnels, étudiants, techniciens, chercheurs qui s’investissent au quotidien pour faire vivre les actions du département.

Des actions souvent tournées vers le grand public, comme la semaine du cerveau, pour lesquelles la communauté bordelaise se mobilise. « Nous travaillons une thématique très médiatisée. Il y a une certaine forme de fascination pour le cerveau et tout le monde connaît quelqu’un dans son entourage qui a une maladie neurodégénérative ou un trouble neurologique. Cela suscite aussi beaucoup d’attentes alors que la recherche se fait sur le temps long » selon le directeur du département. Indiquant qu’une association de patients, d’usagers et d’aidants, la Maison Cerveau est hébergée au sein de Bordeaux Neurocampus et finance notamment des bourses d’étudiants en master. Et justement le lien entre formation et recherche est un « axe fort » du département. « Nous avons une offre de formation en master et doctorat assez exceptionnelle à l’image du dynamisme du département. Nous attirons de très bons étudiants européens pour ne pas dire internationaux » indiquent les trois chercheurs. Semaine d’immersion clinique de doctorants au centre hospitalier Charles Perrens, Graduate program de neurosciences qui relie le master et le doctorat, master avec des parcours francophones mais aussi internationaux sont autant de dispositifs de la « formation par la pratique » qui renforcent la visibilité internationale de la communauté des neurosciences bordelaises avec en tête de file l’école des Neurosciences créée en 2015. « Elle accueille plus de 200 chercheurs par an sur un plateau expérimental unique en Europe de 500 m². »

Neurones granulaires du gyrus denté générés chez une souris adulte, marqués grâce à une injection stéréotaxique d’un rétrovirus codant pour la GFP et imagés après transparisation du cerveau. © Pierre Mortessagne, Emilie Pacary (Neurocentre Magendie) et Jérémie Teillon (BIC)
Neurones granulaires du gyrus denté générés chez une souris adulte, marqués grâce à une injection stéréotaxique d’un rétrovirus codant pour la GFP et imagés après transparisation du cerveau. © Pierre Mortessagne, Emilie Pacary (Neurocentre Magendie) et Jérémie Teillon (BIC)

Bordeaux Neurocampus, c’est également quelques « success story » comme Treefrog therapeuthics qui développe des thérapies cellulaires à partir de cellules souches, Aelis Farma pour le traitement de l’addiction au cannabis, le traitement de l’épilepsie par la thérapie génique… Même si l’essentiel de l’innovation technologique réside au service de la recherche fondamentale et notamment d’une des thématiques fortes de recherche du département liée à l’imagerie cellulaire et l’imagerie subcellulaire, c’est-à-dire au niveau des composants d’une cellule pour comprendre leurs fonctionnements, précise l’équipe de direction. Une évolution toutefois ces dernières années, complètent-ils, celle de la prise en compte du comportement dans toutes les recherches. Aujourd’hui, même lorsqu’un récepteur membranaire est étudié, le but n’est plus d’étudier le mécanisme seul mais de comprendre l’impact sur le comportement de la cellule, du réseau neuronal et au-delà de l’être vivant en entier.

Trouver les leaders de demain

La recherche est un monde en constante évolution avec des thématiques qui émergent ou s’intensifient, détaillent les trois chercheurs. Les interactions corps-cerveau (comment l’un influence le fonctionnement de l’autre et vice-et-versa), la nutrition, le cancer, le vieillissement ou encore le développement du système nerveux sont autant de sujets émergeants qui dépassent le contour strict des neurosciences et appellent une fois encore à l’interdisciplinarité. Bref Bordeaux Neurocampus s’intéresse au « cerveau tout au long de la vie » résume-t-elle. Quid de l’intelligence artificielle qui envahit peu à peu la recherche et la société. « C’est une thématique jeune que l’on aimerait structurer en nous appuyant sur le dynamisme au sein de l’université autour de la santé numérique auquel nous participons » analyse Jérôme Baufreton.
Autre particularité locale. Le secrétariat de la Société des neurosciences, société savante francophone regroupant aujourd’hui plus de 2300 membres avec pour but de promouvoir le développement des recherches dans ce domaine, est basée à Bordeaux. Visibilité nationale donc. Autre signal de reconnaissance locale forte : les neurosciences sont identifiées comme un des 11 pôles de compétitivité de Bordeaux Métropole et la région Nouvelle-Aquitaine a financé le centre Broca et a contribué à faire venir des chercheurs depuis de nombreuses années à travers une quinzaine de chaires notamment.
« Nous devons poursuivre la phase d’expansion du département » explicite son directeur, conscient d’être à la « tête d’une communauté structurée et mature » dont le ciment est le Grand programme de recherche BRAIN_2030. Avec Aude Panatier et Mathieu Wolff, ils sont la troisième génération depuis la création de l’Institut fédératif de recherche en 1994. « Nous bénéficions du travail de personnes visionnaires, qui dès les années 90, ont vu le potentiel du territoire aquitain dans le domaine des neurosciences, et qui ont aussi été capable transmettre et passer la main. Notre rôle est de continuer cette dynamique, d’assurer le renouvellement et trouver les leaders de demain, dont certains sont sans doute déjà parmi nous. » Puis réussir, à leur tour, le passage de témoins.

* L’IMN et l’INCIA sont des unités CNRS et université de Bordeaux, le Neurocentre Magendie est une unité Inserm et université de Bordeaux. Tous trois sont directeurs de recherche CNRS.

Contacts

  • Delphine Charles

    Chargée de communication scientifique

    delphine.charles%40u-bordeaux.fr

  • Arnaud Rodriguez

    Chargé de communication de Bordeaux Neurocampus

    arnaud.rodriguez%40u-bordeaux.fr

  • Julia Goncalves

    Chargée d'animation scientifique de Bordeaux Neurocampus

    ulia.goncalves%40u-bordeaux.fr

  • Bordeaux Neurocampus

    Consulter la page du département sur le site de l'université

Site internet de Bordeaux Neurocampus

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