Un parcours entre terre et mer

« J’ai la chance d’avoir une passion » confie Emmanuel Le Chapelier avec un grand sourire. À 40 ans, ce Breton animé par l’amour de la voile, la compétition, la curiosité technique et le sens des chiffres a tracé sa route en tirant des bords entre diverses activités professionnelles et une trépidante vie sportive. Autodidacte et volontaire, il est aujourd’hui bel et bien amarré à Bordeaux et heureux de son escale au sein de Bordeaux sciences économiques (BxSE), où il assure depuis fin 2023, une partie de la gestion financière d’une équipe de 160 chercheurs - plus spécifiquement celle des 60 doctorants.

Il veille aux lignes de budget, aux dépenses, aux ordres de mission et au financement des événements liés aux travaux de recherche des protagonistes. « C’est un laboratoire important, avec un public très éclectique. J’ai de nombreux contacts avec des personnalités très différentes travaillant sur des thématiques variées. Cet environnement est particulièrement stimulant » déclare Emmanuel Le Chapelier. 

Le goût du large

C’est pourtant loin de ce milieu académique que le jeune homme a grandi. Originaire de Saint-Brieuc en Bretagne, il découvre les joies de la voile à 12 ans lors d’un stage d’été. Très vite, la mer devient son terrain de jeu et la régate son sport favori. « Je naviguais toute l’année, en dériveur puis en catamaran, un bateau pour lequel j’ai eu un vrai coup de cœur, car il procure rapidement de bonnes sensations de vitesse. Petit à petit, je me suis pris au jeu de la compétition. Être en mer, c’est une déconnexion totale. C’est être libre. La régate demande une telle concentration que plus rien n’existe autour », raconte Emmanuel Le Chapelier. Après son bac, il passe un brevet d’État d’éducateur sportif et se consacre à entraîner des jeunes.  

À 26 ans, il devient champion de France de catamaran. « Je voulais faire de la voile mon quotidien mais c'est très compliqué de vivre de ce sport, nous ne sommes pas rémunérés pour concourir. Les sponsors aident à financer les déplacements, mais souvent, il faut payer de notre poche. C’est pourquoi j’ai toujours combiné ma passion avec une activité professionnelle », explique le marin. Il s’installe à Toulon quelques années pour changer de plan d’eau et distribuer un modèle de catamaran australien sur lequel il régate le plus possible avec un nouvel équipier. Ensemble, ils remportent le championnat du monde en 2014.

Garder le cap à terre comme en mer

Mais en 2016, le navigateur largue les amarres toulonnaises pour jeter l’ancre à Mérignac près de Bordeaux où il ouvre un magasin de catamaran de la marque Hobie-Cat, pas encore représentée dans le Sud-Ouest. Grâce à une régularité sans faille sur l’eau et une maîtrise parfaite de la technicité de leur bateau, Emmanuel Le Chapelier et son coéquipier accumulent plusieurs titres nationaux et brillent aux championnats d’Europe en 2017 et 2018. 

« J’ai eu un temps des velléités de course au large qui sont malheureusement tombées à l’eau avec la pandémie de Covid, alors j’ai continué à courir sur un autre type de bateau avec foil. À cette époque, je quitte le magasin et aide ma compagne, docteure en immunologie au SIRIC BRIO (site de recherche intégrée en oncologie de Bordeaux), à assurer des tâches de gestion pour le compte de la structure. Contrairement à moi, elle n’est pas familière des chiffres… tant et si bien que j’ai assuré la gestion financière de ce site pendant un an et demi en tant que prestataire extérieur », se souvient Emmanuel Le Chapelier. Cette expérience le conduit tout droit à postuler au sein de BxSE à ce poste de gestionnaire financier. « Je suis très heureux d’être là où je suis. Cette fonction me correspond parfaitement et me permet de m’épanouir professionnellement tout en ayant le temps libre dont j’ai besoin pour continuer à naviguer et régater », ajoute-t-il. 

À tel point que le 31 juillet 2025, au large de Medemblik, aux Pays-Bas, Emmanuel Le Chapelier et son équipier Éric Le Bouëdec remportent enfin le championnat du monde de catamaran F16. Après trois places de vice-champions (2016, 2022 et 2024), cette victoire a le goût d’un accomplissement et concrétise ses rêves d’adolescent. « Ça faisait trois fois qu’on arrivait deuxièmes, c’était frustrant. Là, on a enfin atteint notre objectif », confie-t-il avec fierté. Mais sans aucun doute, Emmanuel Le Chapelier est un champion du monde qui garde les pieds sur terre.