«Nous ne savons pas quand nous reviendrons en Ukraine»

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Dmytro Minchenko est ukrainien et chercheur en oncologie pédiatrique. Bénéficiaire du programme national d’accueil en urgence des scientifiques en exil (PAUSE), il est accueilli au sein du laboratoire Bordeaux Institute of Oncology (BRIC) de l’université de Bordeaux depuis mars 2022. Il ne sait pas quand il pourra retourner dans son pays.

Photo : Dmytro Minchenko, chercheur ukrainien accueilli à l'université de Bordeaux
Dmytro Minchenko, chercheur ukrainien accueilli à l'université de Bordeaux

Dmytro Minchenko est arrivé à Bordeaux le 10 mars 2022 accompagné de son épouse, leurs 3 filles (8, 7 et 3 ans) ainsi que son père âgé de plus de 70 ans. Partis le 29 février de Kiev où ils résident, ils ont transité par l’Allemagne et effectué ce long périple en train.

« Dès l’annonce de la guerre, j’ai décidé de quitter l’Ukraine, raconte Dmytro Minchenko. J’ai pensé tout d’abord à l’Allemagne où j’ai des amis, mais j’ai reçu un appel d’Andreas Bikfalvi, directeur de l’équipe de biologie tumorale et vasculaire de BRIC à l’université de Bordeaux que j’ai connu lors d’un précédent séjour à Bordeaux avec mon père, également chercheur. Il proposait de m’accueillir au sein de son équipe de recherche grâce Programme national d’accueil en urgence des scientifiques en exil (PAUSE) qui peut financer un contrat de 6 mois renouvelables. J’ai accepté immédiatement » poursuit –il.

Une opportunité exceptionnelle pour le chercheur ukrainien et sa famille, hébergés dans un premier temps à Talence chez un ami de son père à la retraite. Ses filles sont scolarisées à l’école primaire Notre-Dame de Sévigné à Talence également. « L’établissement est très accueillant mais l’intégration est difficile pour elles en raison de la langue. Elles ont parfois le mal du pays et la neige leur manque ! » plaisante Dmytro Minchenko.

Une collaboration précieuse

Lui-même ne parle pas français mais un anglais parfait. « J’ai vécu 10 ans aux Etats-Unis. Mes parents ont quitté l’Ukraine en 1991 pour s’installer à côté de Philadelphie.
J’y ai fait toute ma scolarité. Je suis revenu à Kiev en 2001 pour étudier la médecine, c’était beaucoup trop cher aux USA » précise-t-il.  

Après ses études de médecine à Bogomolets National Medical University, Dmytro Minchenko s’engage dans l’enseignement et la recherche. Il se spécialise en pédiatrie et travaille à l'O. V. Palladin Institute of Biochemistry, National Academy of Sciences of Ukraine,  ainsi qu’à l’hôpital.

En 2006, il accompagne son père à Bordeaux et effectue une mission de 2 mois au sein du laboratoire BRIC. A son retour à Kiev, il poursuit ses travaux de recherche et reste en contact avec Andreas Bikfalvi. Ils mettent en place de nombreuses collaborations et projets avec en tête l’idée de revenir un jour pour plus longtemps. La guerre lui fournit malheureusement cette opportunité.

L’université de Bordeaux, un grand soutien

« Bordeaux est une ville fantastique, j’aime tout ici, surtout le tram. L’université de Bordeaux est d’un grand soutien et d’une aide précieuse. Merci particulièrement au bureau d’accueil des chercheurs internationaux et aux services de la Direction des relations internationales » déclare Dmytro Minchenko.

Désormais logés à la Résidence Escabelle, la famille Minchencko poursuit sa vie au jour le jour sans perspective de retour. Par sécurité, Dmytro Minchenko a fait une demande de contrat pour deux ans via un financement de la fondation Pierre et Marie Curie afin de prolonger son séjour à Bordeaux.

« Nous sommes en sécurité à Bordeaux »

En attendant, ils se retrouvent souvent entre compatriotes membres de la communauté ukrainienne bordelaise au sein de laquelle règne une vraie solidarité.  « Nous avons même réussi à faire venir mon beau-frère et sa famille. Mais je suis constamment en contact avec mon frère et des cousins restés à Kiev. Ils vont plutôt bien malgré les coupures d’électricité qui sont un vrai problème. Heureusement, ils ont la chance d’avoir des abris proches de chez eux. »

« Nous ne reviendrons pas en Ukraine tant que la guerre ne sera pas terminée. Mais quand ? Nous sommes en sécurité ici mais nous sommes inquiets pour notre pays et pour tout ce qu’il s’y passe. C’est Poutine qui décide. Il a notre destin en main. Cette guerre n’a aucun sens. Je ne comprends pas ce qu’il cherche, ce qu’il a à gagner. Et même lorsque la guerre sera terminée, il y aura des mines partout, il sera impossible de se déplacer. Combien de temps cela prendra-t-il de déminer le territoire ? » s’interroge le chercheur.

Il reste à espérer qu’il puisse rester à Bordeaux avec sa famille le temps qu’il faudra.