Formation
Choisir une formation
Alternance
Formations internationales
Formation professionnelle
Candidatures et inscriptions
S'inscrire à l'université
Suivre sa scolarité
Accompagnement et réussite des études
Étudiants à besoins spécifiques
Orientation et insertion professionnelle
Enrichir et valoriser son parcours
Recherche
Ambition scientifique
Grands programmes de recherche
Réseaux de Recherche Impulsion
Une recherche internationale
Science ouverte
Éthique de la recherche
Structures de recherche
Départements de recherche
Dynamiser ses recherches
Science et société
Collections scientifiques
Innovation
Ambition
Collaborations
LabCom
Ressources
Locaux d'entreprises
Campus
Découvrir les campus
Campus Victoire
Animation et vie des campus
Les associations
Organiser sa vie quotidienne
Les aides sociales et financières
Se restaurer
Citoyenneté étudiante & vivre ensemble
Culture
Sport
International
Ambition internationale
Venir à Bordeaux
Etudiants internationaux
Doctorants internationaux
Enseignants, chercheurs et personnels internationaux
Partir à l'étranger
Mobilité étudiante
Collaborer à l'international
Université
Nous découvrir
Notre histoire
Nos implantations
Notre stratégie
Projets institutionnels
Stratégie immobilière
Université étendue
Nos engagements
Transitions environnementales et sociétales
Organisation et fonctionnement
Composantes de formation
Direction générale des services
Conseils, commissions et comités et leurs délibérations
Documents réglementaires, administratifs et institutionnels
Élections
Travailler à l'université
Personnels enseignants et chercheurs
Espace entreprises
Espace presse
Répertoire d'expertes et d'experts
Contenus les plus consultés
Termes de recherche les plus fréquents
Mise à jour le : 31/03/2025
Le 15 mars dernier, un Rencard du savoir se penchait, à la médiathèque de Gradignan, sur les usages de l’intelligence artificielle dans le monde de l’art, et les conséquences de ces usages.
Retour en sept questions sur ce Rencard du savoir organisé par l'université de Bordeaux en partenariat avec la ville de Gradignan, dans le cadre des Samedis sciences.
Cécile Croce, professeure en esthétique et sciences de l’art à l'Université Bordeaux Montaigne. Cofondatrice et codirectrice de la revue ASTASA, elle nourrit une passion pour les liens entre arts et technosciences et pour l'esthétique psychanalytique.
Florent Aziosmanoff, artiste plongé dans les arts numériques dès la fin des années 1980, a théorisé une forme d'art émergente appelée « Living art ». Il a cofondé en 2001 le Cube, premier centre d'arts numériques en France, qui propose aux artistes des accompagnements, notamment pour intégrer l'intelligence artificielle (IA) dans leurs œuvres.
Xavier Hinaut, chercheur à l'Institut des maladies neurodégénératives (IMN), spécialisé dans le numérique. Passionné par les mathématiques, l'informatique et l'IA, il cherche à voir si le fonctionnement de notre cerveau peut inspirer un fonctionnement de l'IA moins énergivore.
Il existe une grande variété d'œuvres créées par l'IA ou avec l'IA. Parmi les exemples les plus connus, Le Portrait d'Edmond de Belamy réalisé par Obvious, un collectif français de trois artistes chercheurs. Pour le réaliser, ces pionniers de l'art génératif ont nourri un algorithme avec 15 000 portraits classiques. L'œuvre a été vendue en 2019 pour 360 000 euros.
En novembre 2024, une autre œuvre a été vendue 1,12 million de dollars aux enchères par la maison Sotheby's : le Portrait d’Alan Turing, le père de l’informatique, réalisé par la première robot-artiste humanoïde Ai-Da. Comme l'explique Cécile Croce, « le plus troublant ici est que l'on semble être devant une machine "intelligente", voire autonome (douée de volonté propre), créant une confusion entre artiste créateur et machine créatrice. Mais création n'est pas synonyme d'art. Et demeure la question de ce qui fait art ».
Pour créer, l'intelligence artificielle s'appuie généralement sur des algorithmes d'apprentissage automatique, formés à partir de vastes bases de données composées d'œuvres d'art, de techniques, de styles existants. Ces algorithmes créent en mélangeant les éléments de cette base.
Est-ce que ces créations sont de l'art pour autant ? « Pour répondre à cela, estime Cécile Croce, il faut examiner ce que l'œuvre explore, critique, questionne ou problématise de son contexte, et plus précisément de nos relations à ce contexte (ici celui des technologies de l'IA), par exemple avec la question des apprentissages créatifs (comme le propose Patrick Tresset avec son Human Study ici ou là) ou la question de notre relation esthétique à l'œuvre picturale patrimoniale, comme le propose la Living Mona Lisa de Florent Aziosmanoff » - une œuvre « d’art vivant », capable d'interactions avec le spectateur grâce à l’incorporation de l’intelligence artificielle.
Florent Aziosmanoff utilise l'IA pour créer des œuvres interactives et émotionnellement engageantes, capables d'établir une relation durable et significative avec le public (ce qu'il qualifie de « living art »). Ainsi, la Living Mona Lisa engage le spectateur dans une relation sensible avec la Joconde, lui permettant d'éprouver les enjeux que Léonard de Vinci avait déposés dans son tableau. Pour Florent Aziosmanioff, « l'IA n'est pas un simple automate, elle apporte une réflexivité et ouvre une nouvelle pratique artistique, à l'instar de la naissance du cinéma à partir de l'image en mouvement. »
Pour Cécile Croce, il y a une différence entre art, créativité et création : « la créativité, c'est la capacité à dynamiser un processus. La création dépasse le seul domaine de l'art. L'art, enfin, répond à un contexte culturel et une certaine reconnaissance sociale, sociétale, qui pose d'autres questions : sur quoi l'art s'appuie-t-il ? À quoi s'oppose-t-il ? Qu'est-ce qui le nourrit ? Qu'est-ce qui décide que ça fait art ? » Comme le résume Florent Aziosmanoff, si la culture est un territoire, l'art en est sa frontière. « L'art, c'est ce qui n'existe pas, c'est ce qu'on repousse, ce qu'on ne connaît pas – mais dès que c'est fixé, c'est de la culture. »
Xavier Hinaut, pour sa part, insiste sur les deux composantes de la créativité : la pensée divergente, qui nous amène à tester une multitude de choses, et la pensée convergente, qui nous aide à sélectionner et combiner. Selon lui, l’IA peut nourrir les processus divergents et nous aider à faire des tests comme nous le ferions avec un lancer de dés et des processus aléatoires. Mais « il ne faut pas oublier que la machine ne comprend pas ce qu'elle raconte, elle n'a aucune notion des mots qu'elle utilise. Vous pouvez générer plein de choses, puis sélectionner ce qui est intéressant », note-t-il. « L’IA, pour l'artiste ou pour le scientifique, n’est qu'un outil. Nous gardons la capacité à réfléchir, à savoir ce qui est intéressant.»
Pour Cécile Croce, « l'art produit des codes et n'a de cesse que de sortir de ces codes, si bien qu'il n'y a ni rupture ni continuité, il y a toujours les deux à la fois » Elle prend l'exemple de La Joconde, un tableau qui répond aux codifications d'une peinture très léchée, très appliquée à la Renaissance, et qui s'en échappe en même temps par sa manière d'inventer quelque chose d'inédit. « C'est ça qui fait le génie, le côté extraordinaire de l'artiste ».
Elle insiste aussi sur la nécessité d'inscrire cette réflexion dans une perspective historique des liens entre arts et sciences. À la Renaissance, l'artiste - incarné par la figure du "génie universel" – inscrit sa démarche dans une compréhension scientifique et raisonnée du monde, plus que dans une simple pratique artisanale. L'art est vu comme une cosa mentale par Léonard de Vinci, nécessitant des dispositifs ingénieux basés sur les mathématiques et la physique. La science est mise au service de l'art, et inversement, l'art peut être considéré comme étant au service de la science.
La fin du XIXe siècle, avec l'avènement de la société industrielle, est une autre période clé marquée par l'apparition de techniques photographiques, cinématographiques, et par le design. La période actuelle se caractérise, elle, par les techno-sciences et une ère numérique dans laquelle les réalisations artistiques sont si imprégnées de préoccupations scientifiques qu'elles semblent se confondre avec elles. « Les artistes s'associent parfois à des laboratoires pour mener des expérimentations à partir des découvertes scientifiques. L'art fusionne avec les nouveaux moyens mis en œuvre par les techno-sciences, interrogeant ainsi le statut de l'humain », note ainsi Cécile Croce.
Pour Florent Aziosmanoff, la méthode scientifique consiste en cette capacité à énoncer quelque chose qui pourra être vérifiée par d'autres, et qui relève donc de l'ordre de l'universel. L'artiste, lui, travaille pour produire quelque chose qui est absolument singulier.
« Les règles qui s'appliquent sont celles communément en vigueur dans le droit d'auteur », explique Florent Aziosmanoff. « Quand une œuvre est née de l'adaptation d'une autre œuvre (par exemple, la Living Mona Lisa), il faut l'autorisation de l'auteur de l'œuvre première, à moins qu'elle ne soit tombée dans le domaine public (70 ans après la mort de l'auteur). L'adaptation devient elle-même une œuvre première, protégée par le même droit d'auteur. Mais plus largement, les œuvres créées par les outils numériques sont des œuvres à part entière, protégées comme toutes les autres.»
Le débat, selon lui, concerne surtout les IA génératives nourries par les œuvres d'autres artistes. « Les œuvres créées avec ces outils sont en effet "imprégnées" des œuvres qui formatent cet outil. Cette question n'est pas simple, parce que les artistes qui utilisent ces outils ne cherchent pas à copier d'autres créations mais à créer leurs propres œuvres… En revanche, ceux qui commercialisent les outils ont fondé leur capital sur le travail des artistes ayant créé les œuvres qu'ils ont "aspirées" (sans l'autorisation de leurs auteurs). Il y a donc plutôt un risque sur la propriété intellectuelle des outils eux-mêmes, que sur celle des œuvres créées avec ces outils. Un débat sans doute houleux à venir, qu'il sera intéressant de suivre. »