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Deux nouveaux microscopes pour aller au cœur du vivant

Mise à jour le :

La plateforme de cryo-microscopie électronique à l’Institut européen de chimie et biologie (IECB) est renforcée par l’acquisition de deux nouveaux microscopes, Glacios 2 et Talos L120. Ces équipements de pointe offrent aux chercheurs une capacité unique pour explorer l’architecture moléculaire et cellulaire avec une précision inédite, positionnant Bordeaux comme un acteur majeur dans ce domaine en France.

Photo : Un mycoplasme, bactérie minuscule, utilise des protéines fixées à sa membrane (en bas de l’image) pour se défendre contre le système immunitaire de son hôte. L’une (en bleu) attrape les anticorps (en jaune et orange), l’autre les découpe (en rouge) pour les rendre inefficaces. © IECB
Un mycoplasme, bactérie minuscule, utilise des protéines fixées à sa membrane (en bas de l’image) pour se défendre contre le système immunitaire de son hôte. L’une (en bleu) attrape les anticorps (en jaune et orange), l’autre les découpe (en rouge) pour les rendre inefficaces. © IECB

La microscopie électronique à transmission (MET) est une technique clé d’imagerie qui permet d’étudier des structures biologiques à l’échelle nanométrique grâce à un faisceau d’électrons traversant des échantillons ultra-minces. En complément, la cryo-microscopie électronique (cryo-EM) offre la possibilité d’observer les échantillons figés dans leur état hydraté par cryogénisation, conservant ainsi leur structure native. Cette technique a révolutionné la biologie structurale en rendant accessible l'analyse structurale à résolution atomique de biomolécules jusqu'alors inaccessibles par d’autres techniques (cristallographie ou RMN - résonance magnétique nucléaire). Un progrès qui a valu le prix Nobel de Chimie en 2017 à ses pionniers. Depuis une décennie, les avancées instrumentales et en analyse d’image ont élargi ses applications, allant de l’étude de complexes protéiques isolés à l’analyse de structures cellulaires.

Le Glacios 2, rapidité et précision accrues

Suivant ces innovations, la plateforme de cryo-microscopie électronique de l’Institut européen de chimie et de biologie (IECB, unité CNRS, Inserm et université de Bordeaux) s’est dotée d’un cryo-microscope de nouvelle génération, le Glacios 2.
Ce microscope fournit des images cinq fois plus rapidement que son prédécesseur installé à l’IECB en 2016 (le Talos Artica) et avec une qualité bien supérieure, réduisant ainsi le temps d’acquisition de plusieurs jours à une demi-journée, explique Rémi Fronzes, directeur de recherche au CNRS au laboratoire Microbiologie fondamentale et pathogénicité (MFP – CNRS et Université de Bordeaux) et responsable scientifique de l’équipement.

Le cryo-microscope de nouvelle génération, le Glacios 2 présenté par le directeur scientifique de la plateforme, Rémi Fronzes © Gautier Dufau
Le cryo-microscope de nouvelle génération, le Glacios 2 présenté par le directeur scientifique de la plateforme, Rémi Fronzes © Gautier Dufau

Ce dernier peut être utilisé pour étudier des cellules en entier ou des macromolécules isolées. Les échantillons sont très rapidement congelés, ce qui empêche la formation de cristaux de glace qui pourraient altérer leur structure et perturber l’imagerie. « Le microscope permet d’obtenir des milliers d’images et une carte de densité électronique qu’on analyse et dont on extrait les informations qui nous intéressent. » En reconstituant ces structures en 3D, les chercheurs peuvent explorer l’architecture des molécules et leur organisation dans l’espace. Cela nécessite toutefois des capacités de stockage de données et de calculs considérables, rendues possibles grâce aux serveurs informatiques déjà présents à l’IECB, indique le microbiologiste.

Bordeaux, un centre d’excellence en cryo-microscopie électronique

Le Talos L120, quant à lui, est idéal pour des observations préliminaires. Ce microscope à transmission électronique, basé à l’institut de Chimie et biologie des membranes et des nano-objets (CBMN – unité Bordeaux INP, CNRS et université de Bordeaux), permet d’étudier la forme des objets biologiques, polymères et nanoparticules en conditions cryogéniques ou non. Successeur d’un microscope de plus de 20 ans, il assure une première évaluation rapide des échantillons avant les études plus approfondies avec le Glacios 2.

Bordeaux se positionne parmi les plus grands centres de cryomicroscopie électronique en France explique Rémi Fronzes © Gautier Dufau
Bordeaux se positionne parmi les plus grands centres de cryomicroscopie électronique en France explique Rémi Fronzes © Gautier Dufau

Avec ces nouvelles acquisitions, la plateforme coordonnée par l’ingénieur de recherche de l’Inserm Axel Siroy, se positionne parmi les plus grands centres de cryomicroscopie électronique en France. « Le projet du Glacios notamment s’inscrit dans une dynamique bordelaise de collaboration et d’innovation à l’interface entre la microscopie photonique et électronique entre l’IECB, le Bordeaux Imaging Center et le laboratoire Photonique, numérique et nanosciences**» précise Rémi Fronzes.

La microscopie photonique (ou optique) est souvent utilisée pour des observations en temps réel et à des résolutions plus faibles, mais elle permet de travailler avec des échantillons vivants et d'utiliser des méthodes comme la fluorescence. En combinant les deux approches, les scientifiques peuvent obtenir une vue plus complète d'un échantillon : la microscopie électronique fournit des détails structuraux à une résolution très fine, tandis que la microscopie photonique peut permettre d’étudier des phénomènes dynamiques et fonctionnels, comme la fluorescence ou la dynamique des protéines dans un contexte biologique.

Ces équipements de pointe, financés à hauteur de 3 millions d’euros (2,5 millions pour le Glacios 2 et 0,5 million pour le Talos 120) dans le cadre du Contrat de Plan État-Région (CPER), de l’EquipEx+ NanoCryoCLEM, coordonné par l’université de Bordeaux*, et de l'Inserm. Les microscopes électroniques Glacios et Talos L120 sont mis en route et déjà disponibles pour les chercheurs de la région voire au-delà.

* LP2N – unité CNRS, IOGS et université de Bordeaux
** dans le cadre du financement national des Équipements structurants pour la recherche

Les échantillons observés dans un Glacios 2 sont maintenus à environ -190°C avec ici l’ingénieur de recherche de l’Inserm Axel Siroy © Gautier Dufau
Les échantillons observés dans un Glacios 2 sont maintenus à environ -190°C avec ici l’ingénieur de recherche de l’Inserm Axel Siroy © Gautier Dufau
L'arbalète moléculaire d'une bactérie dans sa membrane © IECB
L'arbalète moléculaire d'une bactérie dans sa membrane © IECB
L'arbalète moléculaire d'une bactérie décomposée © IECB
L'arbalète moléculaire d'une bactérie décomposée © IECB

Légende des images : L’arbalète moléculaire des bactéries en cryo-microscopie électronique

Les bactéries possèdent de véritables "arbalètes moléculaires" appelées systèmes de sécrétion de type 6.

L'illustration à gauche montre comment cette arme biologique s'organise. A l'intérieur de la cellule (bas de l'image) dans le cytoplasme où se déroulent les réactions de la cellule se trouve le "fourreau" qui contient la "flèche" moléculaire chargée de protéines toxiques. Un complexe spécialisé ancré dans la membrane bactérienne (la frontière qui sépare l’intérieur de la cellule de l’extérieur) sert de plateforme de tir, permettant à la flèche de sortir de la bactérie attaquante et de percer sa cible - qu'il s'agisse d'une autre bactérie ou d'une cellule . Comme une arbalète qui se détend, le système propulse son projectile protéique avec une force et une précision remarquables, transformant ces micro-organismes en redoutables guerriers microscopiques capables d'éliminer leurs concurrents ou d'infecter des cellules hôtes. 

L'illustration à droite décompose la partie inférieure du système de sécrétion de type 6, le fourreau avec à l'intérieur la flèche, en utilisant une approche dite "LEGO moléculaire". Chaque protéine est représentée comme une brique colorée avec sa forme spécifique, révélant comment s'assemblent le fourreau et la flèche de cette arbalète bactérienne à l'intérieur de la cellule. Comme dans un kit LEGO, chaque pièce s'emboîte parfaitement selon un plan précis : certaines briques forment la structure tubulaire du fourreau, tandis que d'autres constituent la flèche contractile qui sera propulsée vers la cible. Cette vision éclatée permet de comprendre comment la nature assemble ces composants  avec une précision remarquable, chaque élément ayant été optimisé pour former une machine de guerre microscopique parfaitement fonctionnelle.

Contacts

  • Rémi Fronzes

    directeur de recherche au CNRS
    Laboratoire Microbiologie fondamentale et pathogénicité (MFP)
    Responsable scientifique de la plateforme de cryo-microscopie électronique

    remi.fronzes%40u-bordeaux.fr

  • Axel Siroy

    Ingénieur de recherche de l’Inserm
    Plateforme de cryo-microscopie électronique

    a.siroy%40iecb.u-bordeaux.fr

  • Delphine Charles

    Chargée de communication scientifique

    delphine.charles%40u-bordeaux.fr