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Une situation budgétaire qui reste saine malgré un contexte difficile

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Dean Lewis, président de l’université de Bordeaux, replace la trajectoire de l'établissement dans le contexte budgétaire national, dont il analyse les répercussions sur l’enseignement supérieur et la recherche et, tout particulièrement, sur le développement présent et à venir de notre université.

Photo : Dean Lewis, président de l'université de Bordeaux © Gautier Dufau
Dean Lewis, président de l'université de Bordeaux © Gautier Dufau

Le contexte budgétaire national implique cette année des efforts de réduction importants. Quelles répercussions ce contexte a-t-il sur l’enseignement supérieur et la recherche ?

Dean Lewis : De manière générale, le budget 2025 de l’enseignement supérieur et de la recherche a subi des coupes importantes. La dotation octroyée à la vie étudiante, par exemple, n’a pas été augmentée, alors même que la précarité des étudiantes et des étudiants reste préoccupante.

La loi de programmation de la recherche (LPR) a subi une forte réduction de ses crédits : en 2025 ils n’augmenteront que de 100 millions d’euros, au lieu des 500 millions d’euros prévus dans la LPR initiale. Ces 100 millions d’euros sont bienvenus et financeront des mesures salariales, notamment le repyramidage de maîtres de conférences et la requalification de personnels BIATSS, ainsi que des augmentations de l’indemnitaire (enseignants-chercheurs, enseignants du second degré affectés dans le supérieur et personnels BIATSS).

Pour les universités, le problème principal tient moins aux coupes budgétaires annoncées qu’à l’impact de nouvelles dépenses pérennes ou pluriannuelles imposées aux établissements sans financements associés. Bien que le ministère ait annoncé une augmentation des crédits de 300 millions d’euros, l’augmentation des dépenses imposée aux universités représente, elle, 600 millions d’euros. On y retrouve bien évidement les mesures Guérini (à moitié financées depuis 2024), les surcouts du gaz et de l’électricité (non financés depuis 2024) et le relèvement en 2025 du taux du compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » (qui n’était pas financé dans le projet de loi de finances 2025 présenté en novembre 2024). Au total et hors LPR (100 millions d’euros), il s’agit d’une dépense supplémentaire de près de 500 millions d’euros par an pour l’ensemble des universités, soit un peu plus de 20 millions d’euros par an pour l’université de Bordeaux. 

La décision de ne pas financer le CAS Pensions a suscité un mouvement inédit de réprobation et d’alerte du public par les présidentes et présidents d’université avec en point d’orgue la journée de mobilisation « universités en danger » du 3 décembre 2024. Lors de la commission mixte paritaire, réunie fin janvier, deux amendements ont été déposés pour couvrir partiellement les nouvelles dépenses par un abondement de 210 millions d’euros, désormais acquis grâce à l’adoption de la loi de finances 2025.

L’enjeu, maintenant, est d’obtenir, au plus tard en 2026, la compensation totale des dépenses restantes - un peu moins de 300 millions d’euros ou l’équivalent de 3 000 postes d’enseignants-chercheurs - qui, rappelons-le, ne peuvent être couvertes par nos ressources propres (majoritairement fléchées) ni par notre fonds de roulement, réservé à investir pour la rénovation et la requalification de notre patrimoine immobilier.

Quelle est la situation budgétaire particulière de l'université de Bordeaux ? 

La situation de l’université de Bordeaux est moins critique que celle de certains autres établissement, grâce à nos réserves financières ainsi qu’à notre bonne capacité de pilotage, en dépit d’une première situation (anticipée) de déficit en 2024. Nous sommes en train de travailler à l’actualisation de notre trajectoire. Malgré un surcoût de dépenses estimé à plus de 12 millions d’euros par an, notre situation nous a permis de garantir un niveau minimal de fonctionnement. Il nous a été possible de maintenir le niveau de nos emplois jusqu’ici, ce qui est un minimum, notre effectif de personnels restant insuffisant au regard de nos missions et nos obligations. Une des conséquences de ce sous-effectif est d’ailleurs une charge de travail importante, ce qui ressort très nettement dans l’enquête QVT réalisée en novembre dernier. 

En termes d’investissements, malgré l’opération campus, le contrat de plan État-Région (CPER) et le plan de relance, nos besoins ne sont pas couverts par la dotation de l’État. Notre subvention pour charge de service public ne nous permet pas de garantir partout des environnements de travail optimaux. Les problèmes de confort thermique, pointés dans l’enquête QVT et dans les différentes remontées du terrain, restent pour nous une préoccupation majeure qui doit être traitée.

Les ressources propres de l’établissement, fruits de l’engagement et du dynamisme des personnels de l’université à tous les niveaux (de l’apprentissage à l’IdEx), sont très importantes. Bien que majoritairement fléchées, elles peuvent contribuer à équilibrer le budget de l’établissement et celui de ses composantes. Elles compensent en partie l’insuffisance de notre subvention pour charge de service public, notamment pour soutenir certains projets et transformations nécessaires pour notre établissement. Pour autant, leur caractère temporaire et fléché limite nécessairement leur portée, et nécessite de maintenir un pilotage vigilant en les distinguant bien d’un socle de dépenses et de recettes de fonctionnement courant qu’il convient d’équilibrer avec le juste niveau de subvention pour charge de service public. 

Notre situation budgétaire reste donc saine, ce qui nous permet de prendre le temps d’anticiper les orientations de la loi de finances 2026 et de réfléchir aux évolutions à plus long terme, en lien à une éventuelle baisse des effectifs étudiants et au renouvellement important de nos personnels attendu à partir de 2028.

Au regard d'un tel contexte, comment l'université de Bordeaux doit-elle appréhender l'année 2025 ?

Le budget initial 2025 adopté par le CA en décembre 2024 était déficitaire et prenait en compte de manière prudentielle le « CAS pensions » comme une nouvelle dépense imposée et non financée. Si sa compensation intégrale se confirme, la contrainte budgétaire sur l’établissement sera moins forte que prévue. Cela nous conforte à engager, tels que votés, le budget, les campagnes de postes mais aussi, entre autres, le nouveau dispositif de primes à disposition des enseignants du second degré affectés dans le supérieur. Nous restons toutefois vigilants sur le maintien d’une trajectoire soutenable, qui est l’objet d’un travail en cours.

Un point d’attention subsiste sur le CPER, qui concerne les opérations immobilières et les équipements scientifiques. Le dialogue est noué notamment avec le Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine pour maintenir l’ensemble des opérations grâce à une reprogrammation de certaines d’entre elles et à une augmentation de la contribution des Fonds européen de développement régional (FEDER).

Il faut rester confiant. Dans tous les cas, le projet de loi de finances 2026 sera déterminant pour l’avenir de l’université : il actera, je l’espère, un refinancement massif de l’enseignement supérieur au service de la jeunesse, de la société et du progrès.