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Pourquoi les docteurs prêtent-ils serment ?

Mise à jour le :

Une prestation de serment sur l’intégrité scientifique accompagne désormais la soutenance de thèse, une nouveauté mise en application depuis le 1er janvier 2023.

Photo : Tous les ans, après leur soutenance de thèse effectuée, l'ensemble des jeunes chercheurs diplômés de l'université de Bordeaux sont invités à participer à la Cérémonie des docteurs.
Tous les ans, après leur soutenance de thèse effectuée, l'ensemble des jeunes chercheurs diplômés de l'université de Bordeaux sont invités à participer à la Cérémonie des docteurs.

Depuis le 26 août 2022, la France est le premier pays à inscrire dans la loi une prestation de serment centré autour de l’intégrité scientifique. Le serment prévoit un engagement moral à l’issue de l’admission au grade de docteur, pour continuer de respecter les principes déontologiques appris lors du parcours des jeunes chercheurs. Celui-ci est unique et identique pour l’ensemble des établissements.

Un docteur peut invoquer ce serment pour refuser d’effectuer des actions en tension avec les principes de l’intégrité scientifique. De nombreux candidats admis lors des soutenances effectuées depuis la rentrée de septembre 2022 ont ainsi pu porter cet engagement spontanément. L’étape de la prestation de serment est désormais officiellement inscrite lors du procès-verbal de soutenance depuis le 1er janvier 2023.

Un engagement important pour les docteurs

Aymen Danoun, docteur en mécanique, premier diplômé de l'université de Bordeaux à avoir prêté le serment des docteurs
Aymen Danoun, docteur en mécanique, premier diplômé de l'université de Bordeaux à avoir prêté le serment des docteurs

Le 13 décembre dernier, l’Académie des sciences, le Réseau national des collèges doctoraux (RNCD) et l’Office français de l’intégrité scientifique (Ofis) organisaient une rencontre autour des « Premiers témoignages de prestation du serment d’intégrité scientifique ». Plusieurs jeunes docteurs et docteures ont pu partager leurs expériences respectives dans la mise en place de cette prestation de serment.

Aymen Danoun a soutenu sa thèse le 8 novembre 2022 à l’université de Bordeaux, en mécanique. Il est l’un des premiers à avoir prêté serment au sein de l’université :

« Lorsque l’on décide de continuer sa carrière de chercheur, il est nécessaire de respecter l’intégrité scientifique. Toutes les données, les résultats publiés peuvent être utilisés par d’autres chercheurs. Si l’on publie des informations faussées ou manipulées, cela peut avoir de lourdes conséquences péjoratives sur le développement de la science dans tel ou tel domaine. Mes travaux de recherche concernent l’utilisation de l’intelligence artificielle, il s’agit d’un outil très puissant, mais celui-ci ne permet pas de résoudre tous les problèmes. Il se peut que l’intelligence artificielle ne procure pas des résultats fiables et exploitables, cela peut mener à des défaillances et des conséquences concrètes si on l’utilise sans prendre en compte les principes de la déontologie et de l’intégrité scientifique. »

Quatre docteurs ont également témoigné de leur prestation de serment devant l’assemblée de l’Académie des sciences : « C’est ma directrice de thèse, Marianne Canonico, qui m’a informé du fait de prêter serment. J’ai accepté tout de suite. » raconte Maryline Lainé, docteure en épidémiologie et santé publique diplômée de l’université Paris-Saclay.

« Qu’est-ce que ça signifie pour moi d’avoir prêté serment ? J’y vois une raison particulière : je suis sage-femme de formation. Cette profession n’a pas de serment d’Hippocrate comme les médecins, mais nous avons pourtant une forte culture de l’engagement auprès de nos patients. Au moment de mon diplôme d’état en 2011, toute la promotion a choisi de prêter serment. Un serment qu’on avait écrit nous-même, qui résumait la manière dont on souhaitait exercer notre métier : dans le respect de la personne, de l’éthique et de la déontologie. J’y vois dans le serment des docteurs cette même volonté de garantir mon engagement. »

Une portée symbolique pour le diplôme de doctorat

Au-delà de l’importance apportée à l’engagement d’intégrité, le serment des docteurs vient également clore la soutenance de manière formelle. Cette prestation y ajoute une portée symbolique.

Elle offre une conclusion aux années de formation suivies par les jeunes chercheurs, comme l’explique Pierre Ouzoulias, sénateur des Hauts-de-Seine et rapporteur de la proposition législative :

« C’est un amendement qui s’inscrit dans la durée. Dès le départ, l’objectif était de s’inscrire dans le prolongement des travaux du Professeur Pierre Corvol sur son rapport remis en 2016 sur l’intégrité scientifique. Concernant l’apport du serment des docteurs, il faut savoir que j’ai soutenu une thèse, j’ai participé à des jurys de thèses, et on avait le sentiment qu’il manquait quelque chose. Il manquait un événement solennel, un partage entre le nouveau docteur, la famille, les membres du jury… Un élément qui permette une symbiose des valeurs et des principes forts. »

Pour Aymen Danoun, le serment des docteurs est une étape importante qui doit se compléter avant et après le doctorat dans l’ensemble de sa pratique de recherche :

J’invite tous les jeunes chercheurs à garantir cette pratique de l’intégrité scientifique. J’estime que c’est fondamental. Il s’agit de la boussole qui devrait guider la recherche de manière générale. Si on adopte ce type d’approche dès le début de sa carrière, cela va devenir quelque chose qui va nous définir en tant que chercheur.

Aymen Danoun, docteur en mécanique