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[Podcast] Le design, agitateur d’idées et moteur d’évolutions

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Échappé du champ esthétique, le design a gagné la recherche, l’industrie et les services. Pour quelles raisons le mobilise-t-on ? De quelle façon, et avec quels résultats ? Le 8 février dernier, les Rencards du savoir proposaient de le découvrir à travers des exemples concrets et variés.

Photo : Travail de design afin d'améliorer l'accueil de visiteurs à l'hôpital © Antoine Boilevin
Travail de design afin d'améliorer l'accueil de visiteurs à l'hôpital © Antoine Boilevin

Difficile, parfois, de bien cerner ce qu’est le design. Ici, une chaise design, là une enseigne « Design Sushi », et dans les entreprises un certain culte pour le design thinking, ou pensée design.

L’usage du terme, jugé accrocheur, est devenu si polysémique et généralisé qu’il peut, parfois, ne plus faire sens. Design partout, design nulle part ? Il ne faudrait pas être tenté de jeter le bébé avec l’eau du bain…

À une époque où les problèmes tant sociétaux qu’environnementaux apparaissent de plus en plus complexes, les designers proposent des pistes pour éviter l’impasse. Le café-débat des Rencards du savoir du 8 février 2024 invitait, pour en parler, Stéphanie Cardoso, maître de conférences en design à l’université Bordeaux Montaigne, Hélène Sauzéon, professeure de psychologie et de sciences cognitives à l'université de Bordeaux (qui mène ses recherches au Centre de recherche Bordeaux Population Health et au centre Inria de l'université de Bordeaux) et Antoine Boilevin, designer au département juridique d’Ubisoft.

Les nombreuses mues du design

Né au sein de l’art appliqué, le design s’est par la suite invité dans l’industrie avant de gagner, il y a une vingtaine d’années, différents champs d’application et disciplines scientifiques. Durant le café-débat, les exemples évoqués touchent ainsi tant au numérique qu’à la santé, à l’école, au droit… Qu’entend-on alors aujourd’hui par « design » ? « C’est une démarche de conception où des outils et des approches méthodologiques sont déployés pour répondre à des problèmes situés dans l’objectif d’améliorer la vie des usagers », propose Stéphanie Cardoso. 

Ces problèmes situés, ce sont par exemple des instants de la vie quotidienne où l’on peine à comprendre l’usage d’un objet, d’un lieu ou d’un service. Stéphanie Cardoso, avec sa doctorante Nawel Gabsi-Bernard, travaille ainsi avec les urgences pédiatriques du CHU de Bordeaux afin d’y améliorer l’accueil des visiteurs et éviter, par exemple, que la borne à ticket désoriente et crée d’interminables files… Quant à Antoine Boilevin, il évoque le travail de design au sein d'Ubisoft en collaboration avec des joueurs pour rendre leurs droits plus intelligibles (sur la question des données personnelles notamment).

Travail de design avec le CHU de Bordeaux pour améliorer la prise en charge des patients, notamment via la signalétique © Stéphanie Cardoso
Travail de design avec le CHU de Bordeaux pour améliorer la prise en charge des patients, notamment via la signalétique © Stéphanie Cardoso
 © Antoine Boilevin
© Antoine Boilevin

Par le design, concevoir autrement

« Le design a bouleversé notre façon de concevoir nos objets d’études. Il nous a permis de renouveler nos questions et, surtout, nos approches », juge pour sa part Hélène Sauzéon. La chercheuse prend pour exemple l’un des derniers projets qu’elle a pilotés : le site web « Tous Ensemble » dédié à l’accompagnement d’élèves ayant des troubles du spectre autistique ou de l’apprentissage. Pour réaliser un tel outil, elle aurait été tentée, il y a quelques années, de s’appuyer avant tout sur les connaissances d’experts dans le domaine. En mobilisant une approche ascendante issue du design, elle a plutôt fait le choix de partir d’une enquête de terrain pour faire remonter les besoins et les conseils des enfants, parents, enseignants et du personnel médico-social. Des maquettes papiers au prototype numérique, le site web a par la suite été entièrement co-construit avec les personnes concernées. « Il faut accepter qu’un tel process soit lent », prévient la chercheuse. Mais les premiers résultats apparaissent positifs, tant pour les aidants que pour les élèves.

Du design pour (re)penser la société

« Le design peut aussi mettre son nez dans la dimension organisationnelle et stratégique », souligne Stéphanie Cardoso. La chercheuse le mobilise notamment au sein du réseau de recherche régional Futurs Act, dédié à l’anticipation au changement climatique. Pour des ateliers sur le risque de submersion, par exemple, les outils du design telles les cartes de controverses permettent de mettre face à face les attentes des différents acteurs du territoire et chercher des pistes de solutions communes.

Dans le « contexte de technosolutionnisme » que nous connaissons, décrit par Antoine Boilevin comme « créant une forme de myopie et amenant à chercher des solutions toutes faites à des problèmes complexes », le design offre l’occasion d’opérer un précieux pas de côté. Il questionne des futurs désirables ou non et interroge les conséquences de nos choix actuels. Certains designers imaginent ainsi de faux objets ou situations, comme un petit-déjeuner à base d’insectes (par le Californien Nick Foster). « On est dans le probable et le possible, précise alors Antoine Boilevin : on prend le présent et on l’étire... juste avant qu'il ne se casse ! » 
Ni poudre de perlimpinpin, ni solution miracle, le design ne peut surtout pas être réduit à une méthode unique et réplicable. Du design industriel au design fiction, le podcast du café-débat est l’occasion de le (re)découvrir sous ses nombreuses formes.


Par Yoann Frontout, journaliste scientifique et animateur des Rencards du savoir

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