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Loin du «déni», l’université en lutte contre toutes les formes de violence

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Lors d’une récente audition du président de l’association France Universités devant la Commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat, différents sénateurs ont mis en doute la détermination des universités à lutter contre les actes antisémites commis en leur sein. Le président de l’université de Bordeaux et vice-président de France Universités, Dean Lewis, a souhaité réaffirmer haut et fort sa « tolérance zéro » pour les actes et les propos antisémites.

Photo : Dean Lewis, président de l'université de Bordeaux et vice-président de l'association France Universités © Gautier Dufau
Dean Lewis, président de l'université de Bordeaux et vice-président de l'association France Universités © Gautier Dufau

Le 10 avril dernier, en ouverture d’une audition sur l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur, des sénateurs Les Républicains ont accusé France Universités de « déni total » face à la recrudescence des actes antisémites au sein de ses établissements. L’association a publié en réponse un communiqué de presse dénonçant de la « propagande ». Comment comprendre ces différentes prises de position ?

Depuis les attentats perpétrés par le Hamas le 7 octobre 2023, et la guerre entre Israël et le Hamas qui s’en est suivie, on déplore une recrudescence des actes antisémites dans la société et notamment à l’université. Le 10 avril, lors de son audition par la Commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat, le président de France Universités, Guillaume Gellé, a constaté que les signalements d’actes antisémites ont augmenté depuis le 7 octobre dernier dans les établissements de l’enseignement supérieur et de la recherche (ESR) : une enquête flash de l’association a recensé 67 signalements sur un ensemble de 80 établissements contre 33 durant l’année universitaire 2022-2023.
Certains sénateurs ont formulé de vives critiques à propos de la réalité de ces chiffres, accusant les universités de faire preuve de « déni ». Nous sommes bien conscients que ces chiffres minorent probablement la réalité. Ce qui importe avant tout dans ce contexte, c’est de rappeler que les universités n’ont pas attendu ce nouveau conflit pour affirmer une politique ferme de lutte contre le fléau du racisme et de l’antisémitisme et pour prendre et mettre en œuvre des mesures concrètes et décisives auprès de la communauté du personnel et des étudiants.

Comment expliquez-vous ce climat de défiance vis-à-vis des universités mais aussi de leurs présidentes et présidents ?

Ce climat s’explique par quelques événements isolés, fortement médiatisés et pas toujours très bien documentés, qui ont suscité de nombreuses réactions politiques, mais aussi par une méconnaissance profonde du milieu universitaire par la classe politique. En tant que président d’université, je dois garantir la mise en œuvre de l’ensemble des missions de l’établissement dans le respect de l’État de droit et des différents principes qui le régissent, comme la liberté académique, la liberté d’expression ou encore la liberté de circulation. Je dois ainsi prévenir et remédier à toute situation de trouble à l’ordre public et lutter contre toutes les formes d’inégalité, de violence (harcèlement, violences sexistes et sexuelles), de discrimination, dont le racisme et l’antisémitisme. Cela peut conduire à des mesures conservatoires, disciplinaires ou judiciaires. Celles-ci doivent nécessairement se fonder sur la matérialité des faits, ce qui peut nécessiter un temps d’instruction long, parfois incompatible avec le temps des médias et des politiques.
En outre, l’université est le lieu de production, de diffusion, de transmission de la science. Pour jouer son rôle, elle doit promouvoir une démarche scientifique et un esprit critique qui se basent sur des faits, et non des opinions, et qui se construisent à partir de débats d’idées, de questionnements voire de controverses. C’est ce qui explique la nature et l’intensité des débats d’idées en son sein. Ceux-ci concernent d’abord ses missions fondamentales de recherche et de formation, qui s’appuient sur le principe de la liberté académique. Ils se déroulent principalement dans la communauté des enseignants-chercheurs et des chercheurs. D’autres discussions, ensuite, se déroulent dans le cadre global de la vie universitaire, avec ses engagements associatifs ou syndicaux. Elles respectent la liberté d’expression, excluant la diffamation, les appels à la haine, la tenue de propos racistes et antisémites. Force est de constater que les tensions qui traversent la société, et par conséquent le monde universitaire, rendent de plus en plus difficile l’organisation de débats d’idées sereins. Cela peut se traduire, de manière heureusement encore exceptionnelle, par des débordements inacceptables, voire des annulations de conférences, colloques ou séminaires.

Plus concrètement, que fait l’université de Bordeaux pour lutter contre l’antisémitisme ?

Comme en matière de lutte contre les violences sexistes et sexuelles, l’université de Bordeaux a mis en place différentes actions contre le racisme et l’antisémitisme - actions de sensibilisation et dispositif de signalement pouvant conduire à des enquêtes administratives, des sanctions disciplinaires ou des procédures judiciaires confiées au procureur de la République via l’article 40 du code de procédure pénale. Yamina Meziani, chargée de mission Parité, Égalité, Diversité, assure le rôle de référente « racisme et antisémitisme » et participe aux travaux du réseau national de ces référentes et référents dans l’ESR. Sous son pilotage, dans le cadre du premier mois de l’inclusivité de l’université de Bordeaux, une journée de lutte contre les discriminations raciales a été organisée le 21 mars 2024.
Lorsque sont prévus, au sein de l’université, des événements autour de sujets à fort potentiel de controverse, nous accompagnons les organisateurs tout en anticipant les possibilités de débordements - veille sur les réseaux sociaux, échanges avec les renseignements territoriaux, renforcement des moyens de sécurité.
Pour autant, nous sommes conscients qu’il peut y avoir une sous-déclaration et que certains ont le sentiment d’une forme d’inaction. Ce dernier peut s’expliquer par le temps d’instruction, forcément long, nécessaire pour que l’établissement puisse qualifier les faits, et les délais de procédure lorsque des faits sont signalés au procureur de la République. Dans le contexte actuel, nous restons extrêmement vigilants et continuons à renforcer, en particulier, les actions de sensibilisation, et à garantir des conditions de confiance et de dialogue au sein de nos dispositifs, qui jouent un rôle important dans la lutte contre l’antisémitisme.