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[Podcast] LGBTQIA+ : derrière les lettres, une lutte plurielle

Mise à jour le :

LGBTQ, LGBTQI+, LGBTQQI2SAA : le sigle s’allonge et a de quoi dérouter... S’en étonner serait toutefois oublier que le mouvement LGBT n’a cessé de se transformer. Des décennies de luttes que les Rencards du Savoir proposaient d’explorer, le 15 novembre dernier, au regard de leurs résonnances actuelles.

Photo : Les luttes une société du care, égalitaire et solidaire ne sont pas terminées © Missbutterfly Flickr
Les luttes une société du care, égalitaire et solidaire ne sont pas terminées © Missbutterfly Flickr

Le drapeau arc-en-ciel fait beaucoup parler de lui ces dernières semaines – ou, plutôt, son absence. Brassard ou pas brassard ? Derrière le choix d’arborer ou non un bout de tissu coloré, c’est bien la considération accordée à des identités sexuelles et de genre qui est questionnée, testée, mise au défi. Et, avec elle, le soutien face aux violences dont ces minorités font l’objet.

Pour mieux comprendre les luttes LGBTQIA+ d’aujourd’hui, les Rencards du Savoir et le Festival international du film d’histoire de Pessac proposaient de porter un regard sur leur passé. D’un siècle à l’autre, de génération en génération, les intervenantes et intervenants ont questionné, avec le public, les enjeux d’un mouvement social dont les multiples ramifications en font parfois oublier leurs racines communes.

Etaient invités : Maia Laffont et Pauline Sole, étudiantes en psychologie et représentantes de l’association M.E.U.F. (Mouvement étudiant universel féministe), Yamina Meziani, sociologue et chargée de mission « parité, égalité, diversité » à l’université de Bordeaux, Antoine Idier, sociologue et historien à Sciences-Po Saint-Germain-en-Laye ainsi qu’Yves Jeuland, réalisateur de films documentaires, notamment Bleu Blanc Rose sur trente ans de vie homosexuelle en France (1971-2001).

Se dire, se penser

« Homosexuel » ou « homophile » avant 1970, « gay » et « gouines » par la suite, « queer » en 90… Les termes employés par les minorités sexuelles et de genre n’ont cessé d’évoluer et de s’étoffer, entraînant, de tout temps, de vives réactions au sein même des mouvements militants. C’est qu’il faut bien comprendre que « ce ne sont pas juste des mots et des lettres : derrière, il y a des enjeux de définition et d'identification », souligne Antoine Idier. La notion de ce qu’est « être femme » divise par exemple les féministes d’aujourd’hui comme elle a pu diviser, par le passé, des militantes hétérosexuelles et lesbiennes au sein du MLF, le Mouvement de libération des femmes.

Débattre de termes et de définitions, « ce n’est pas juste de la discussion verbeuse », insiste ainsi le sociologue. « C’est prendre conscience de rapports sociaux et, par le fait même de les nommer, commencer à les combattre. »

Faire front commun ?

Très vite, la question est posée : en se définissant peu à peu comme pluriel, le mouvement homosexuel ne risque-t-il pas de se fragmenter ? Il y a peut-être déjà une certaine artificialité à le penser et le nommer au singulier, comme l’évoque Yves Jeuland… « Quelle est la communauté des gays et des lesbiennes ? », interroge-t-il. Il rappelle ainsi les débuts du FHAR, le Front homosexuel d'action révolutionnaire : fondé par des militantes du MLF avec des homosexuels hommes, les femmes l'ont quitté peu de temps après pour fonder les Gouines rouges. La prépondérance croissante des hommes et des dissensions de lutte (comme la phallocratie) ont eu raison de la mixité originelle. « Même leurs objets de désir n'étaient pas les mêmes », glisse le réalisateur.

L'association M.E.U.F

L’association M.E.U.F. à Bordeaux propose pour les jeunes personnes LGBTQIA+ des groupes de discussion (sur les violences, le coming out, la transition…) ainsi que des permanences pour apporter une aide notamment juridique et administrative.
association.meuf%40gmail.com

Pour en savoir plus

Mettre « dans des cases »

Durant le débat, distinguer des identités plurielles suscite également des inquiétudes quant au risque de renforcer les discriminations. Antoine Idier rappelle cependant que les catégories sociales « existent avant qu’on ne les nomme. » Si un mouvement trans s’est par exemple formé, « c’est que les personnes trans vivaient déjà une réalité sociale de violence, d’agressions et de non-reconnaissance par l’administration. »

Tout en corroborant ses propos, Yamina Meziani précise que les catégories sociales ont un impact dans la manière dont les dispositifs publics sont pensés. « Si désigner un groupe permet de mettre en place des mesures plus efficaces en matière de lutte contre les discriminations, paradoxalement, cela peut renforcer une stigmatisation de certains publics », précise-t-elle.

Faire face aux violences LGBT-phobes

Le risque de suicide est environ 4 fois plus élevé1 chez les personnes LGBT que la population générale, et l’est d’autant plus lorsqu’il s’agit de personnes trans, rappelle Pauline Sole. « Ce sont des personnes vulnérables, surtout les personnes trans isolées, et iels ont besoin de soutien, d’un lieu bienveillant, sécurisé pour s’informer, demander de l’aide, questionner leur sexualité et leur identité de genre librement » explique-t-elle. Maia Laffont évoque d’ailleurs l’un des intérêts d’un sigle LGBTQIA+ long mais plus inclusif : il sécurise. « Les jeunes reconnaissent ces lettres et, si elles sont affichées dans un lieu, iels savent qu’iels peuvent y aller et y seront en sécurité. Oui, ces lettres sont nombreuses, mais elles sont importantes ! »

Toutes deux présentent les actions de l’association M.E.U.F. tandis que Yamina Meziani évoque la cellule d’écoute de l’université. Dans le public, on invite à découvrir la méthode des 5D pour agir face à des violences ou l’on en appelle à une union des luttes contre le patriarcat. De réflexions sociologiques et historiques à des témoignages d’expériences vécues, ce débat pour le moins animé est à (re)vivre en podcast.

1 : voir notamment di Giacomo E et al, Estimating the Risk of Attempted Suicide Among Sexual Minority Youths: A Systematic Review and Meta-analysis. JAMA Pediatr. 2018

Par Yoann Frontout, journaliste scientifique et animateur des Rencards du savoir

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    À l’université de Bordeaux, la cellule de veille accueille victimes et témoins d’actes de violence, de discrimination ou de harcèlement. Des professionnels y recueillent la parole de chacune et chacun de façon anonymisée.

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