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Le Nobel de physique 2023 met en lumière le CELIA

Mise à jour le :

A l’occasion de la remise du prix Nobel de physique à Ferenc Krausz, Pierre Agostini et Anne L’Huillier, coup de projecteur sur le Centre lasers intenses et applications - CELIA qui consacre une partie de ses recherches au domaine de la physique attoseconde, récompensé par l’académie suédoise.

Photo : Les physiciens Pierre Agostini, Ferenc Krausz and Anne L’Huillier, de gauche à droite © ell_Niklas_Elmehed - Nobel Prize Outreach
Les physiciens Pierre Agostini, Ferenc Krausz and Anne L’Huillier, de gauche à droite © ell_Niklas_Elmehed - Nobel Prize Outreach

L’un a été encadré en doctorat par Pierre Agostini et en postdoc avec Anne L’Huillier, l’autre a été doctorant d’Anne L’Huillier et contributeur d’une recherche majeure de Pierre Agostini. Tous deux expliquent avoir ressenti énormément d’émotion, ce mardi 3 octobre, à l’annonce du prix Nobel de physique 2023. Difficile d’imaginer le contraire au vu des liens qui unissent Éric Mevel, professeur à l’université et actuel directeur du Centre lasers intenses et applications (CELIA, unité CNRS, CEA et université de Bordeaux) et Philippe Balcou, directeur de recherche au CNRS et ancien directeur du même laboratoire, à deux des récipiendaires du Nobel 2023.

Et ce ne sont pas les seuls. Dominique Descamps, chercheur CEA mis à disposition au CELIA et responsable du Groupe optique et lasers femtosecondes au sein de l’unité, a aussi été en postdoctorat à luniversité de Lund (Suède) avec Anne L’Huillier. De même Fabrice Catoire, chargé de recherche CNRS et responsable du Groupe harmoniques XUV, processus ultra-courts et applications du CELIA, a été post-doctorant, plus récemment, à l'Ohio State University (USA) avec Pierre Agostini. Et on ne compte plus les collaborations et partenariats depuis plus de 20 ans entre le CELIA et l’unité de recherche de la physicienne franco-suédoise nobélisée, ni les petites histoires au sein de la plus grande, celle de la physique fondamentale. En effet, Philippe Balcou se souvient avoir été présent au moment de la rencontre entre Anne L’Huillier et le chercheur Claes-Göran Wahlström, qui deviendra par la suite son mari et entraînera son départ pour la ville de l’extrême sud de la Suède.

Des expériences fondatrices récompensées

Le chercheur bordelais a d’ailleurs aussi été totalement stupéfait en suivant en direct l’annonce du Nobel, non pas de la distinction presque attendue pour son amie Anne L’Huillier qui avait déjà reçu le prestigieux prix Wolf en physique en 2022, déjà avec Ferenc Krausz (de l’Institut Max Planck d’optique quantique). Mais par celle du chercheur du CEA, aujourd’hui aux États-Unis, Pierre Agostini. « Tout le monde s’attendait aux mêmes récipiendaires que le prix Wolf ». Donc l’émotion était double. Philippe Balcou explique que dans les années 90 et début 2000, Pierre Agostini, bien que CEA, menait l'essentiel de ses travaux dans son unité de recherche, le Laboratoire d'optique appliquée (LOA), et que tous deux avaient joint leurs efforts et leurs équipements afin de mener à bien l'expérience imaginée par Pierre Agostini et Harm Muller pour laquelle il est récompensé aujourd'hui.

Éric Mevel décrit, lui, une scientifique d’un niveau exceptionnel en évoquant celle qui l’a encadré en postdoc. « Elle a des intuitions, elle va s’atteler à les tester même si elle est la seule à y croire ». Et parfois même un peu contre sa hiérarchie qui n’y croyait pas trop, concède Philippe Balcou. « Anne L’Huillier a fait émerger un nouveau champ thématique, peu de chercheurs peuvent se prévaloir de cela, tout en restant toujours investie dans l’enseignement » continue le directeur actuel du CELIA. D’ailleurs l’anecdote, partagée dans les médias, comme quoi la physicienne est retournée en cours, après l’annonce de son prix, pour le terminer n’a étonné aucun des deux scientifiques bordelais.

C’est donc le domaine de la physique fondamentale attoseconde (un milliardième de milliardième de secondes) qui est récompensé par ce prix Nobel, notamment les expériences fondatrices de ce domaine. Les deux Nobélisés ont presque réalisé la même manipulation : soumettre un gaz à un laser, puis étudier ce qui se passe au niveau de la matière pour comprendre les phénomènes physiques de l’infiniment petit. Et là où Pierre Agostini caractérisait les photons en mesurant des électrons, Anne L'Huillier suivait à la trace les électrons en mesurant des photons.

Cinq lignes de lumières attosecondes 

« Cela met un éclairage particulier sur un axe majeur du CELIA » explique Éric Mevel. Avec les lasers, les plasmas et les procédés lasers, c’est le quatrième thème de recherche de l'unité rattachée notamment au département de recherche Science de la matière et du rayonnement (SMR) de l’université de Bordeaux. Le professeur d’université a d’ailleurs contribué au projet scientifique fédérateur du CELIA, créé en 1999, avec le soutien des tutelles et de la région Aquitaine, et qui s’est ainsi concrétisé par l’émergence de l’attoscience sur le site de l’université de Bordeaux. Une équipe de plus de 10 personnes travaille sur cette thématique au sein de l’unité qui bénéficie d’une visibilité internationale. Elle a bénéficié ces dernières années de 2 financements de recherche exploratoire européen ERC (European Research Council) pour deux chercheurs du CNRS, celui de Yann Mairesse, qui vient de se terminer et de Samuel Beaulieu qui débute.

L’équipe HXUV pilote 5 lignes de lumières attosecondes ouvertes à accès transnational à l’échelle européenne dans le cadre de l’infrastructure Laserlab-Europe à laquelle appartient également le laboratoire d’Anne L’Huillier. Aujourd’hui, le CELIA ainsi que le Laboratoire intéractions, dynamiques et lasers (LIDYL) à Saclay sont les deux laboratoires français disposant de plusieurs lignes de lumières et d’équipe conséquente autour de l’attoseconde. Cette dynamique d’excellence française, mise à l’honneur aujourd’hui par ce prix, est complétée par d’autres laboratoires qui sont des acteurs majeurs de cette physique, historique, tels que le LOA déjà cité, le laboratoire parisien de physique des deux infinis Irène Joliot-Curie (IJCLab), l’Institut de physique et chimie des matériaux de Strasbourg (IPCMS) ou encore l’Institut lumière matière (ILM) de Lyon.

On dénombre plus de 40 publications associant les membres du CELIA et Anne L’Huillier, dont une dizaine sur des partenariats entre instituts et la plus récente publiée en 2023, et une vingtaine avec Pierre Agostini.

Cette alliance de simplicité et de détermination, qui caractérise autant Anne L’Huillier que Pierre Agostini, ne devrait pas trop changer malgré cette consécration internationale, expliquent les deux Bordelais, qui décrivent deux personnalités impressionnantes dans leur domaine mais qui ont toujours su rester modestes. Le laboratoire espère d’ailleurs accueillir prochainement la physicienne franco-suédoise qui est l’une des 10 personnalités « ambassadeurs – fellows » du CNRS en 2023. A ce titre, le Centre lasers intenses et applications fait partie des 3 laboratoires (avec le LIDYL et l'IML cités précédemment) qui feront l’objet de visites dans le but de renforcer les liens scientifiques.

Légende image : 
Les mouvements des électrons au sein des atomes et molécules sont si rapides qu'ils sont mesurés en attosecondes. Une attoseconde est à la seconde ce que la seconde est à la naissance de l'univers.