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La durée de vie courte des métaux liés aux hautes technologies

Mise à jour le :

Combien de temps les matières premières métalliques sont-elles utilisées et quand deviendront-elles inutilisables ? Des chercheurs bordelais et allemands répondent à ces questions concernant 61 métaux dans la revue Nature Sustainability. Durant plusieurs années, ils ont analysé à la fois des données publiées et qu’ils ont collectées eux-mêmes. Principale conclusion : les matières premières dites critiques pour les hautes technologies (smartphone, optique…), notamment vertes (voitures électriques, panneaux photovoltaïques…) sont celles qui ont une durée d'utilisation très courte.

Photo : Les métaux utilisés dans les panneaux photovoltaïques ont une durée de vie courte © mmphoto - Adobe Stock
Les métaux utilisés dans les panneaux photovoltaïques ont une durée de vie courte © mmphoto - Adobe Stock

La disponibilité des matières premières métalliques est d'une importance capitale pour les sociétés modernes, la consommation ne cesse d’augmenter suite à l’accroissement de la population et de la technologie. L'Union européenne et les États-Unis considèrent d’ailleurs une trentaine de métaux et de minéraux comme des « ​​​​​​​matières premières critiques »​​​​​​​ tels que le cobalt, le cuivre, le chrome, le nickel, le molybdène, le titane, le lithium. Cette approche de hiérarchisation est cruciale pour garantir des stratégies d'approvisionnement.

Pour la première fois, une équipe internationale de scientifiques, dont les chercheurs du Groupe sur l’analyse du cycle de vie et la chimie durable (CyVi) à l’Institut des sciences moléculaires (ISM, unité CNRS, Bordeaux INP et université de Bordeaux) a réussi à quantifier la perte de ressources minérales pour 61 métaux dans toutes les phases du cycle des matériaux.

De 200 ans à moins d’une année

Leurs calculs, basés sur les données du Center for Industrial Ecology de Yale University et le US Geological Survey avec la contribution du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), ont permis de montrer clairement combien de temps, statistiquement parlant, les métaux sont utilisés à partir de l'exploitation minière avant de se dissiper, c'est-à-dire d'être finement dispersés, et donc de ne plus pouvoir être utilisés. En se basant sur des travaux de recherche antérieurs en collaboration entre les universités d’Augsbourg, de Bayreuth, du BRGM, de l’université de Bordeaux, du CNRS et de Bordeaux INP, le développement de nouveaux indicateurs et facteurs d'évaluation a permis de rendre les pertes dissipatives de matières premières métalliques non seulement mesurables dans tous les secteurs, mais aussi de les intégrer dans un écobilan.

Leurs résultats montrent que les métaux d’alliage de fer et d’acier sont ceux utilisés le plus longtemps, environ 150 ans en raison de leur longue durée de vie, de l'efficacité élevée des processus et des bons taux de recyclage. Les métaux non ferreux, comme l'aluminium et le cuivre, ou encore les métaux précieux (or et argent) pourraient être utilisés près de 2 siècles.

Des métaux indispensables à la transition énergétique

Par contre, le grand groupe de métaux spécifiques aux technologies de pointe (lithium, cobalt, terres rares…) dont certains considérés donc comme critiques - ne sont utilisés que durant une décennie en moyenne, et même moins d’un an pour certains (gallium utilisé en imagerie médicale par exemple). Actuellement ces pertes de matière doivent être constamment compensées par de nouvelles activités minières.

Ces recherches permettront d'améliorer l'évaluation de la consommation de ces ressources dans l’analyse du cycle de vie des technologies concernées. Des stratégies d'économie circulaire pourraient être développées comme réponse à cette pression croissante, avec l’utilisation des métaux sur de longues périodes et en circuit fermé, ce qui atténuerait les incidences sur l’environnement (réduction des gaz à effet de serre, perte de biodiversité) tout comme les risques d’approvisionnement. Surtout que comme le précise Guido Sonnemann, professeur en chimie durable à l’université de Bordeaux et co-auteur de la publication : « la transition énergétique ne peut se faire sans certains de ses métaux, utilisés dans les énergies photovoltaïques, les batteries des voitures électriques, etc. ».

Groupe de recherche sur l’Analyse du cycle de vie et la chimie durable (CyVi)

Ces chercheurs de l’Institut des Sciences Moléculaires (ISM) travaillent depuis 10 ans sur la méthodologie et l’application de l’analyse du cycle de vie des matériaux ainsi que sur des solutions axées sur le développement des stratégies de ressources durables pour les hautes technologies, en développant des concepts pour une bioéconomie durable et une économie circulaire.

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Références bibliographiques

Losses and lifetimes of metals in the economy

Alexandre Charpentier Poncelet, Christoph Helbig, Philippe Loubet, Antoine Beylot, Stéphanie Muller, Jacques Villeneuve, Bertrand Laratte, Andrea Thorenz, Axel Tuma & Guido Sonnemann
Nature Sustainability, mai 2022

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Contact chercheurs

  • Guido Sonnemann

    Professeur en chimie durable ; responsable du Groupe Analyse du Cycle de Vie et Chimie Durable (CyVi), Institut des Sciences Moléculaires (ISM)

    guido.sonnemann%40u-bordeaux.fr