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[Podcast] Derrière la forêt urbaine, une montagne de questions

Mise à jour le :

Apporter ombre et fraîcheur, améliorer la qualité de l’air, accueillir une biodiversité menacée… Les arbres sont érigés en protecteur de la ville de demain. Mais supporteront-ils eux-mêmes le changement climatique ? Le 14 juin 2022, les Rencards du Savoir s’invitaient au cœur du sous-bois « urbain » .

Photo : Sous-bois du living lab de la forêt expérimentale à l'Observatoire de Floirac © Service Culture
Sous-bois du living lab de la forêt expérimentale à l'Observatoire de Floirac © Service Culture

À Bordeaux, Paris, Toulouse et partout en France semble raisonner le même mot d’ordre : la ville de demain sera verte ou ne sera pas. Et qui dit végétaliser dit, avant tout, arborer. Des petites placettes accueillant des micro-forêts aux parcs de grandes envergures, les arbres ont la cote ! Mais seront-ils encore debout dans 20, 30 ou 50 ans ? Et, si oui, dans quelle mesure pourront-ils contribuer à limiter les effets du changement climatique ?

Ces questions, des chercheurs de l’université de Bordeaux s’en sont saisies à travers un projet scientifique et pédagogique au long cours. Une dizaine d’hectares boisés sur le domaine universitaire de l’ancien Observatoire de Floirac se sont transformés en un living lab : un site d’expérimentation participatif.

Habituellement fermé au grand public, le lieu ouvrait ses portes le 14 juin 2022. Après une découverte de la forêt expérimentale menée par Sylvain Delzon, directeur de recherche INRAE et directeur du projet, les Rencards du Savoir proposaient de parler forêt urbaine in situ, en plein air ! Le café-débat réunissait Florence Poisson, responsable du bureau d'études paysage et aménagements urbains de la ville de Floirac, Thomas Caignard, post-doctorant en écophysiologie forestière au laboratoire Biogeco (Biodiversité, gènes et communautés - Inrae et université de Bordeaux) ainsi que Jérôme Ogée, chercheur en bioclimatologie au laboratoire ISPA (Interactions sol plante atmosphère - Inrae et Bordeaux Sciences Agro). À travers les exemples du territoire girondin et de la forêt expérimentale, les échanges ont rapidement pris une dimension plus universelle.


Un besoin de connaissances

Comme l’explique Florence Poisson, un inventaire et une cartographie des essences ligneuses a été réalisée sur la commune de Floirac. Les caractéristiques et l’état physiologique de chaque arbre ont même été relevés ! « Bien connaître son patrimoine arboré, c'est le b.a.-ba » glisse-t-elle. Mais la responsable de bureau d’études souligne le besoin d’être épaulée pour préserver et renouveler cette trame boisée. Dépérissements, phénomène d’érosion, champignons lignivores… : face à ces phénomènes, « le bon sens ne suffit plus » constate-t-elle. « Nous avons besoin de données scientifiques étayées pour mettre en place des mesures prophylactiques et engager l’argent public dans des plantations adaptées. » Parmi les questionnements qu’elle partage lors du café-débat, celui des essences à privilégier apparaît comme un enjeu majeur.

Tester les provenances pour gagner en résilience

S’il est entendu qu’une forêt monospécifique (composée d’un seul type d’arbres) ne doit plus être privilégiée, reste à savoir vers quels mélanges se tourner. Sur la forêt expérimentale, les chercheurs vont ainsi réaliser un test de provenances. « Nous allons planter quatre espèces de chênes de milieux tempérés et quatre autres de milieux méditerranéens. L’objectif est de comparer leurs réponses aux variations climatiques dans un même environnement » détaille Thomas Caignard.

Les chercheurs ne s’arrêteront pas là : pour chaque espèce de chêne, ils vont sélectionner des graines issues à la fois des marges nord et sud de leur aire de répartition. Selon leur patrimoine génétique, certains arbres sont en effet plus adaptés que d’autres à des contraintes climatiques, des maladies, des ravageurs… Et Thomas Caignard peut d’ores et déjà donner un conseil : celui de favoriser cette diversité génétique pour favoriser l’adaptation et l’évolution des arbres.

Un effet fraîcheur plus complexe qu’il n’y paraît

Une autre problématique taraude aujourd’hui les aménageurs du territoire : pouvoir créer des îlots de fraîcheur grâce aux boisements. Souvent mis en avant, cet effet cooling est-il bien réel ? Dans un sous-bois, « il fait en effet plus frais la journée et... plus chaud la nuit ! » rappelle Jérôme Ogée. La forêt atténue les écarts de température, ce qui est également intéressant face aux épisodes de plus en plus fréquents de gel tardif.

Mais quelle portée a ce pouvoir « tampon » de la forêt ? Si la taille du boisement va jouer, il reste encore de nombreux paramètres à étudier pour pouvoir y répondre. Le relief, par exemple, est à considérer. « En Allemagne et en Autriche, il a été interdit de construire sur certaines collines boisées afin d’essayer de maximiser l’effet cooling dans les villes en contrebas » évoque ainsi le chercheur.

De l’importance de préserver un arbre sénescent à la nécessité de renforcer la continuité entre les boisements, les intervenants ont navigué entre les échelles pour brosser un portrait de la forêt urbaine de demain. Une immersion sylvestre à (re)vivre en podcast.

 

Par Yoann Frontout, journaliste scientifique et animateur des Rencards du savoir

Cet appareil permet de mesurer la conductance : la facilité avec laquelle l'eau circule dans les feuilles d'un arbre © Service Culture
Cet appareil permet de mesurer la conductance : la facilité avec laquelle l'eau circule dans les feuilles d'un arbre © Service Culture

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