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AVC : de nouvelles perspectives d’innovation thérapeutique et de prédiction de risques

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Une grande étude génomique internationale sur les accidents vasculaires cérébraux (AVC) a permis de révéler de nouveaux gènes impliqués dans la genèse de cette maladie. Cette étude fournit des informations importantes pour prédire le risque génétique d’AVC. Les résultats de cette étude, la plus grande réalisée à ce jour et portée par des chercheurs de l’université de Bordeaux, de l’Inserm et du CHU de Bordeaux, ont été publiés en ligne dans la revue Nature, le 30 septembre 2022.

Photo : Une étude génomique avec des échantillons d'ADN de près de 200 000 patients victimes d'AVC @ peterschreiber.media
Une étude génomique avec des échantillons d'ADN de près de 200 000 patients victimes d'AVC @ peterschreiber.media

L’AVC est la deuxième cause de décès dans le monde, responsable d'environ 12 % du nombre total de décès et un contributeur majeur aux années de vie perdues ou vécues avec une incapacité. L'incidence et la gravité des AVC sont particulièrement élevées dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, où surviennent 70 % de l’ensemble des décès par AVC. Il est donc extrêmement important d'adopter une perspective globale dans la recherche visant à améliorer la prévention et le traitement de cette maladie.

L'étude, publiée dans Nature, a été réalisée sur des échantillons d’ADN de près de 200 000 patients victimes d'AVC et environ 2 millions d'individus témoins d’origines géographiques très diverses. Les participants étaient d'ascendance européenne, asiatique de l’Est et du Sud, africaine et latino-américaine (un tiers des patients victimes d'AVC n'étaient pas européens). Ils sont issus de nombreuses cohortes et biobanques hospitalières et populationnelles, ainsi que de cinq essais cliniques.

Des cibles médicamenteuses prometteuses

 

Cette recherche révèle de nouveaux gènes impliqués dans la genèse des AVC de façon causale les mettant en évidence comme des cibles médicamenteuses potentielles en vue de prévenir ou traiter les AVC (notamment les gènes F11, KLKB1, PROC, GP1BA, LAMC2 et VCAM1).


Elle a été menée par des membres du consortium GIGASTROKE, impliquant des réseaux internationaux et des chercheurs de plus de 20 pays, et a été co-dirigé par deux centres de recherche de l'université de Bordeaux et de l'université LMU de Munich (Allemagne), avec des unités de recherche de l'université de Tokyo (Japon), l'université de Tartu (Estonie), l'université d'Ibadan (Nigeria), le VA Boston Healthcare System et Harvard Medical School (États-Unis).

Stéphanie Debette @Arthur Pequin

La contribution de participants d’ascendances ethniques diverses a été d’une importance primordiale, améliorant notre capacité à détecter de nouvelles associations génétiques, affinant notre compréhension de leur signification biologique, et améliorant la transférabilité des outils génétiques de prédiction de risque d’une ascendance ethnique à l’autre »

Stéphanie Debette, professeur d’épidémiologie et neurologue à l’université de Bordeaux, à l’Inserm et au CHU de Bordeaux, directrice du centre de recherche Bordeaux Population Health et principale autrice de cette étude

Stéphanie Debette

Stéphanie Debette, MD PhD, est professeur d'épidémiologie/santé publique à l'université de Bordeaux et praticienne neurologue au CHU de Bordeaux.

Elle est l'actuelle directrice du centre de recherche Bordeaux Population Health (Université de Bordeaux - Inserm U1219). Pr. Debette dirige de vastes études génomiques et épidémiologiques collaboratives sur les accidents vasculaires cérébraux, les traits cognitifs et les marqueurs d'imagerie du vieillissement cérébral, en particulier la maladie des petites artères cérébrales, afin de déchiffrer les mécanismes moléculaires à l'origine du vieillissement cérébral et d'améliorer la prévention et le traitement des accidents vasculaires cérébraux et de la démence. Elle dirige une subvention du Conseil européen de la recherche, est l'investigatrice principale d'une importante subvention du PIA sur la maladie des petites artères cérébrales (RHU-SHIVA) et a coordonné ou été partenaire de nombreuses subventions européennes (JPND-BRIDGET, ENLIGHT-RISE...). Elle siège également au comité de pilotage de la recherche du consortium CHARGE. Ancienne bénéficiaire de la bourse Fulbright et du prix Bettencourt-Schueller, elle a été professeur associé à l'université de Boston et professeur invité à l'université de Kyoto. Entre 2017 et 2019, Pr. Debette a présidé l'International Stroke Genetics Consortium (ISGC). Elle a également été vice-présidente chargée des relations extérieures de l'université de Bordeaux (2018-22) ainsi que présidente inaugurale du conseil d'administration de l'alliance universitaire européenne ENLIGHT (2019-22).  Pr. Debette a reçu le prix de la Fondation Claude Pompidou pour la recherche sur la démence, le prix de l'excellence scientifique de l'European Stroke Organization et la médaille Nationale de l'Ordre du Mérite.

En savoir plus

Une première partie de cette étude a été menée sur 1,6 million de personnes, dont 110 182 ont subi un AVC, et a identifié 89 régions du génome (61 nouvelles) associées aux AVC. Ces régions génomiques ont ensuite été examinées chez 1,1 million de personnes supplémentaires, principalement issues de grandes biobanques, dont 89 084 ont subi un AVC, fournissant des éléments de preuve supplémentaires pour la grande majorité des associations identifiées dans la première analyse.

Les chercheurs ont trouvé que la susceptibilité génétique aux AVC était principalement commune aux différentes origines géographiques avec des effets d’ampleur similaire la plupart du temps.

Caractérisés par un déficit neurologique d'apparition soudaine, les AVC sont une entité hétérogène correspondant le plus souvent à un infarctus cérébral (dont les principaux sous-types sont liés à l'athérome, une maladie cardiaque ou une maladie des petits vaisseaux) et, moins souvent, à une hémorragie intracérébrale due à un saignement dans le cerveau. La plupart des associations observées dans cette étude concernaient les AVC dans leur globalité ou les infarctus cérébraux, tandis que certaines étaient spécifiques aux sous-types d’infarctus cérébral.

En combinant leurs résultats avec des données existantes sur l'expression des gènes dans différents tissus et cellules vasculaires cérébrales, ou sur les taux de protéines dans le sang et le cerveau, les chercheurs ont obtenu des informations préliminaires sur les gènes spécifiquement impliqués et les mécanismes biologiques par lesquels ils pourraient contribuer à la survenue d'un AVC.

Ce travail collaboratif montre la puissance de la génomique, combinée à d’autres ressources de grande dimension sur l'expression des gènes et les taux de protéines notamment, pour accélérer la découverte de nouveaux médicaments. Des molécules thérapeutiques pour deux des cibles médicamenteuses potentielles identifiées par l'étude sont actuellement déjà examinées dans des essais cliniques de phase 2 pour la prévention primaire ou secondaire des AVC, ce qui confirme la validité de l'approche."

Martin Dichgans, professeur de neurologie et directeur de l'Institute for Stroke and Dementia Research (ISD), de la Ludwig-Maximilian-Universität (LMU) à Munich, un autre auteur coordinateur de l'étude.

"Cette étude aidera à prioriser les futurs efforts de recherche, notamment expérimentale, visant à explorer de nouvelles cibles médicamenteuses pour les accidents vasculaires cérébraux, précise Aniket Mishra, chercheur au centre de recherche Bordeaux Population Health (BPH - Inserm et université de Bordeaux) et premier auteur de l'étude.

Besoin d'une diversité des volontaires

En s'appuyant sur les données de 5 essais cliniques menés auprès de 52 600 patients, les chercheurs ont en outre montré que les facteurs de risque génétiques d’AVC prédisaient le risque d’infarctus cérébral indépendamment des facteurs de risque cliniques (hypertension, tabagisme, etc.), et beaucoup plus fortement que dans des travaux précédents basés sur des données génétiques de taille plus modeste.

Cette étude représente une étape supplémentaire vers des approches de prévention et de développement thérapeutique de précision pour les AVC, pour Yoichiro Kamatani, directeur du laboratoire de génomique des traits complexes à l’université de Tokyo, Japon, et co-auteur coordinateur.

Elle souligne également le besoin urgent d'augmenter considérablement la diversité des volontaires participant aux études génomiques, en incluant en particulier plus de personnes issues des régions les plus sous-représentées, telles que l’Afrique, pour éviter l'exacerbation des inégalités de santé à l'ère de la médecine et santé publique de précision, conclut Mayowa Owolabi, directeur du centre de génomique et médecine de précision de l’université d’Ibadan au Nigeria, et co-auteur de l'étude.

Références bibliographiques

Stroke genetics informs drug discovery and risk prediction across ancestries (2022). Aniket Mishra, Rainer Malik, Tsuyoshi Hachiya, Tuuli Jürgenson, Shinichi Namba, Daniel C. Posner, et al. Nature.
 

Lien vers la publication

Contact chercheuse

  • Stéphanie Debette

    professeur d’épidémiologie et neurologue à l’université de Bordeaux, à l’Inserm et au CHU de Bordeaux
    Directrice du centre de recherche Bordeaux Population Health

    stephanie.debette%40u-bordeaux.fr

Contact communication scientifique

  • Delphine Charles

    Chargée de communication scientifique de l'université de Bordeaux

    delphine.charles%40u-bordeaux.fr