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Mise à jour le : 03/04/2023
Déifié, diabolisé, admiré, haï… Qui d’autre que le loup pour déchaîner autant de passion chez l’être humain ? Le 7 mars, les Rencards du savoir suivaient la piste du prédateur à travers les millénaires. De sa lointaine domestication à sa gestion actuelle, son histoire avec l’Homme questionne nos rapports au sauvage.
Le loup ne manque pas de faire parler de lui. Cet hiver, il a été filmé sur les pistes savoyardes, photographié dans les bois de Bretagne, de la Marne ou encore de la Meuse, retrouvé mort dans la forêt de Fontainebleau… Et lorsqu’il ne nous gratifie pas d’une de ses rares apparitions, ce sont ses attaques qui font polémique. Les lycophobes crient au loup, les lycophiles leur montrent les crocs ou font l’autruche… et le débat prend des allures de mauvaise fable.
Nos ancêtres avaient-ils des rapports aussi complexes avec le canidé ? S’écharpaient-ils quant à son sort ? Le 7 mars dernier, au Muséum de Bordeaux - sciences et nature, les Rencards du Savoir proposaient de retracer notre relation avec l’animal pour mieux saisir les enjeux actuels. Etaient invitées Myriam Boudadi-Maligne, chargée de recherche CNRS en paléozoologie au laboratoire PACEA (de la Préhistoire à l’actuel : culture, environnement et anthropologie) et Lucie Zampatti, doctorante en sociologie au Centre Émile Durkheim.
Notre histoire avec le loup débute à la façon d’un conte. Il y a fort, fort longtemps, nos ancêtres chasseurs-cueilleurs ont fait de Canis lupus leur compagnon, donnant naissance à la sous-espèce Canis lupus familiaris, plus communément appelée « chien ». Si la datation de la domestication fait encore débat, la majorité des spécialistes s’accordent à dire qu’il y avait déjà des chiens durant le Tardiglaciaire, il y a entre 15 000 et 20 000 ans. Plusieurs hypothèses sont émises pour en expliquer la raison : se protéger d’autres prédateurs, disposer d'auxiliaires de chasse ou même gagner en prestige - avoir un loup apprivoisé, ça en impose ! Une autre théorie est en vogue récemment : des loups affamés auraient jeté leur dévolu sur les restes laissés par nos ancêtres, s’accoutumant peu à peu à la présence humaine. Pour Myriam Boudadi-Maligne, cette "auto-domestication" paraît toutefois peu plausible : « C'est une période où l'on sait que les ongulés étaient très nombreux dans l'environnement, les loups n'auraient donc a priori pas eu de raison de se rabattre sur les poubelles - par ailleurs peu importantes - des groupes paléolithiques » explique-t-elle.
Rectification il s'agit de #paleozoologie et #préhistoire @PACEA_Bordeaux https://t.co/kDQg9HLc1q— Anne Lassègues (@ALassegues) March 7, 2023
Rectification il s'agit de #paleozoologie et #préhistoire @PACEA_Bordeaux https://t.co/kDQg9HLc1q
Il y a 1200 ans, il n’est plus question de faire ami-ami avec le canidé. Charlemagne fonde la Louvèterie, institution chargée de la destruction des loups. S’il convient de ne pas idéaliser nos rapports avec l’animal avant cette date, il semble que c’est bien au Moyen-âge qu’il devient l’ennemi public à abattre. Jusqu’au XXe siècle, en Occident, on s’ingénie à multiplier chasses, battues, pièges et poisons pour éradiquer l’espèce. Les raisons seraient à la fois sécuritaires, économiques, religieuses, mais aussi sanitaires. « Nous savons, qu’à certaines périodes, les loups enragés étaient nombreux », précise ainsi la paléozoologue. « Mais on gagnerait beaucoup à faire des fouilles pour essayer de trouver d’autres éléments explicatifs », ajoute-t-elle. Cela permettrait, notamment, de confronter à d’autres sources les attaques sur l’être humain consignées dans les registres paroissiaux.
La guerre menée en France contre le canidé a eu raison de sa présence sur le territoire… pour un temps. Classé espèce protégée en 1979, le loup a repointé le bout de son museau dans les Alpes françaises au début des années 90. « Après son retour naturel, il y a d’abord eu l’espoir chez certaines personnes de pouvoir à nouveau l’éradiquer. Aujourd'hui, elles se sont faites à l'idée que le loup ne disparaîtrait pas » constate Lucie Zampatti. Sa place dans nos montagnes et nos campagnes fait néanmoins l’objet d’un débat houleux, souvent réduit à un clivage opposant les écologistes citadins aux éleveurs et chasseurs du monde rural. Une vision un poil caricaturale aux yeux de la doctorante, qui souligne qu'elle rencontre par exemple des bergers « n'étant pas du tout anti-loup ».
Elle note notamment des différences générationnelles, les jeunes éleveurs ayant toujours travaillé avec la menace de la prédation. L’apprentissage a, lui aussi, évolué : le domaine du Merle, un centre de formation des bergers transhumants, apprend, par exemple, à cohabiter avec le canidé. Le retour du loup est avant tout un enjeu politique. Derrière la question de sa gestion, c’est celle du pastoralisme et, plus largement, des activités sur les territoires ruraux, qui se pose. L’animal apparaît ainsi comme un révélateur des dissensions face aux envies de réensauvagement.
Quelle place lui accorder ? En fin de débat, dans le public, l’idée est émise : et si l’on faisait des Landes la future terre des loups ?D’une cohabitation « à l’italienne », souvent idéalisée, à l’expérience acquise au parc de Yellowstone, les intervenants ont également porté leur regard hors de France. Un café-débat animé, à (re)dévorer en podcast sans modération !
Par Yoann Frontout, journaliste scientifique et animateur des Rencards du savoir (Les photos sont issues du site : www.loupfrance.fr)
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