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Budget 2023 «Je suis vigilant, mais confiant»

Mise à jour le :

Dean Lewis, président de l’université de Bordeaux, commente le budget 2023 dans ses dimensions structurelles et conjoncturelles. Il explique les enjeux de la politique budgétaire de l’établissement et analyse sa trajectoire au regard du contexte national.

Photo : Pôle juridique et judiciaire, campus Victoire Pey Berland  © Arthur Pequin
Pôle juridique et judiciaire, campus Victoire Pey Berland © Arthur Pequin

Quel est le budget de l’université pour 2023 ? Quelles en sont les principales caractéristiques ?

Notre budget pour 2023 s’élève à 636 millions d’euros. Ses recettes se composent d’une subvention pour charge de service public (dotation) de 360 millions d’euros, soit 57 % du total, et de recettes autres dont le pourcentage très significatif (43 %) traduit le dynamisme de l’université de Bordeaux. Elles proviennent pour l’essentiel des grands programmes (IdEx, Opération Campus, NewDeal, ACCES, InnovationS, ACT,  etc.), et du dynamisme de notre communauté scientifique pour saisir les opportunités de financement (appels à projets ANR, Région ou UE). C’est une véritable singularité, car pour un grand nombre d’établissements, la part de ces recettes est comprise entre 5 et 30 %.

Malgré cela, nous sommes dans une recherche d’équilibre permanente. Nous pouvons identifier deux grands postes de dépenses, la masse salariale et le patrimoine, qui augmentent structurellement chaque année et sont insuffisamment financés par l’État.

L’augmentation de la masse salariale est principalement due à la hausse mécanique du salaire des fonctionnaires liée aux changements de corps, de grades et d’échelons, le fameux « GVT » (glissement vieillesse technicité), qui représente un coût de 2 à 3 millions d’euros par an. S’y ajoute une série de mesures, comme l’indemnité de télétravail, le forfait mobilité durable, l’indemnité de compensation de la hausse du SMIC qui, ensemble, représentent quelques centaines de milliers d’euros de dépenses supplémentaires. L’entretien de notre patrimoine immobilier, notamment pour les bâtiments qui n’ont pas encore été rénovés, constitue aussi une dépense en constante augmentation, indépendamment de la crise énergétique.

La dotation de l’État ne tenant pas compte de ces éléments, nous avons du mal à mobiliser les moyens nécessaires pour environner nos grands projets, ce qui nous place dans une situation paradoxale.

Quels sont les effets de la conjoncture sur notre politique budgétaire ?

Il est clair que le contexte économique de l’année 2022 a accentué de manière inédite notre déséquilibre et modifié drastiquement la trajectoire budgétaire de l’établissement. L’inflation, l’augmentation du coût de l’énergie et la hausse du point d’indice ont occasionné une sur-dépense importante qui n’a été que partiellement financée. Nous avons toutefois reçu une dotation complémentaire fin 2022 pour couvrir les surcoûts de gaz et d’électricité, et nous espérons être accompagnés de nouveau en 2023. Cela étant dit, cette situation nous amène dans une trajectoire largement déficitaire, à l’instar des autres universités françaises d’ailleurs qui sont confrontées à des difficultés similaires.

Bien que le budget 2023 de l’enseignement supérieur et de la recherche connaisse une hausse significative (environ 1 milliard d’euros), les financements prévus par l’État ne sont pas suffisants par rapport aux besoins réels de l’enseignement supérieur et de la recherche. Réussir à mieux expliquer et justifier cette situation est important à l’échelle de l’université de Bordeaux, mais aussi à l’échelle nationale. C’est l’une des raisons de mon engagement au sein du bureau de France Universités en tant que vice-président. Il s’agit d’aider notre ministère à obtenir des arbitrages plus favorables auprès de la direction du budget. Cette dernière a en effet tendance à apprécier la situation des universités sur la seule considération de leurs fonds de roulement (réserve d’argent disponible pour financer les investissements d’une organisation, ndlr), des crédits octroyés par la Loi de programmation de la recherche (LPR) ou par le plan d’investissement France 2030, et non en fonction de leurs besoins récurrents de base.

En 2022, le budget de l’université de Bordeaux devrait rester excédentaire grâce à l’aide ponctuelle de l’État mais surtout grâce à une recette exceptionnelle résultant de la vente d’un terrain situé rue Lamartine. Cette recette devait toutefois être utilisée pour initier les premiers investissements prévus dans le cadre de la dévolution du patrimoine.

Le budget prévisionnel 2023 présenté au conseil d’administration est, de manière inédite, déficitaire à hauteur de 24 millions d’euros (ce qui était impossible jusqu’à présent, du point de vue réglementaire). Lors de l’installation du budget, ce déficit sera automatiquement comblé par un prélèvement sur notre fonds de roulement. Or je rappelle qu’une partie de ce fonds est déjà gagée, et nous avions prévu d’utiliser ces réserves pour investir notamment dans des opérations en faveur de la transition énergétique. Notre fonds de roulement, qui s’élevait à 68 millions d’euros au 1er janvier 2022, est aujourd’hui de 15 millions d’euros, soit juste au-dessus du « seuil prudentiel », qui correspond pour notre université à 15 jours de fonctionnement. Cette situation nous impose de suspendre temporairement des opérations d’investissements qui devaient être financées par le fonds de roulement.

Face à ces défis, quels principes guident votre action ? Quelles sont les mesures envisagées ?

Une de mes priorités en tant que président de l’université de Bordeaux est d’améliorer le bien-être à l’étude et au travail, ce qui nécessite entre autres de préserver les emplois et l’attractivité de l’emploi, ainsi que notre fonctionnement et nos investissements en faveur de l’amélioration de l’environnement de travail et d’étude.

Ainsi, nos campagnes d’emplois ne sont pas uniquement cadrées par la contrainte du GVT, ce qui dans le cas contraire se traduirait pas des suppressions d’emplois, emplois dont nous avons amplement besoin. Pour la première fois depuis longtemps, le plan de gestion des emplois 2023 se traduit par un maintien du potentiel statutaire enseignant et enseignant-chercheur, voire une augmentation grâce à l’obtention de 3 à 4 chaires de Professeurs Junior issues de la LPR. Concernant les personnels BIATSS, la situation est plus mitigée, car le maintien de l’emploi n’a pu être obtenu que par la transformation de postes de titulaires en contractuels (CDD et CDI).

Comme vous l’avez compris, la contrainte sur la masse salariale est forte. Malgré cela, nous avons souhaité renforcer les rémunérations de nos personnels contractuels à travers le nouveau schéma directeur de l’emploi contractuel qui a été adopté par le conseil d’administration fin 2022, dans le prolongement d’un dialogue social de qualité. Outre la nécessaire revalorisation des salaires, notamment de l’indemnitaire, il s’agit pour nous de donner une meilleure lisibilité du dispositif de rémunération des contractuels, ainsi que de préciser les perspectives d’évolution de carrière et de rémunération. Ce nouveau schéma directeur sera déployé en deux étapes (1er janvier 2023 et 1er janvier 2024), ce qui nous laissera le temps de mobiliser graduellement les financements nécessaires.

En conclusion, nous avons toutes et tous collectivement pris nos responsabilités pour faire face à une situation budgétaire encore et toujours plus contraignante. Cela grâce à nos efforts de réduction des dépenses (plan de sobriété) et à notre politique volontariste de collecte de ressources propres supplémentaires (formation tout au long de la vie, appels à projets). Pourtant le constat est sans appel : cela ne suffit pas, et mon rôle politique est d’alerter notre tutelle sur la nécessaire remise à niveau de notre financement en 2023, afin que notre université puisse s’inscrire dans une trajectoire budgétaire à la hauteur de ses missions et de ses priorités.

*Les crédits de paiements (CP) correspondent la limite supérieure des décaissements annuels prévisionnel et s’établissent à 708 M€.

Les autorisations d’engagements (AE) représentent 659 M€ et constituent la limite supérieure des engagements fermes pouvant être pris par l’établissement au titre de 2023 (même si leur dénouement intervient les années suivantes)

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