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[Podcast] L’agroécologie : une révolution en germination ?

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Peut-on cultiver et produire autrement, et jusqu’à quelle échelle ? Le Rencard du Savoir du 11 octobre dernier proposait d’explorer les voies tracées par l’agroécologie. Nourrir la population, préserver l’environnement, répondre à la crise de la profession agricole… : les enjeux sont multiples.

Photo : Divers enjeux accompagnent l'agroécologie © David Roux
Divers enjeux accompagnent l'agroécologie © David Roux

Ces derniers mois, l’agriculture française, déjà en souffrance, a dû affronter des problèmes sur tous les fronts : guerre en Ukraine et débat sur la souveraineté alimentaire, sécheresse historique et manifestations contre les retenues d’eau, hausse des prix de l’énergie et des matières premières… Pour y répondre de façon pérenne, le modèle agricole conventionnel semble plus que jamais devoir opérer une mue rapide.

Mais… comment ? Depuis quelques années, le terme d’agroécologie se fait de plus en plus entendre. « Le développement de l’agroécologie est une alternative souhaitable à l’agriculture « conventionnelle » pour engager la transition de notre système alimentaire vers la durabilité » peut-on ainsi lire sur le site gouvernemental France Stratégies.

Si le mot valise « agroécologie » laisse deviner quelques solutions phares – réduction ou arrêt des pesticides, diminution des émissions de gaz à effet de serre – les réalités qu’il recouvre sur le terrain peuvent apparaître plus floues. Pour mieux en saisir les contours, le café-débat des Rencards du Savoir du 11 octobre dernier proposait d’échanger à la Maison écocitoyenne avec Juliette Porte, doctorante en sociologie au Centre Emile Durkheim (CNRS, Sciences Po Bordeaux et université de Bordeaux), Pietro Barbieri, maître de conférences à Bordeaux Sciences Agro et Xavier Barat, ingénieur conseil en agriculture écologique.

 

 

Une diversité de pratiques

Lorsque l’on pense agriculture et environnement, le « bio » vient à l’esprit. Pourtant, beaucoup de fermes non labellisées « Agriculture biologique » s’engagent dans l’agroécologie, telles les exploitations certifiées HVE (Haute Valeur Environnementale), les fermes DEPHY, les promoteurs de l’ACS, l’agriculture de conservation des sols… Avec tous ces sigles, difficile de ne pas s’y perdre ! « L’agroécologie, c’est renaturaliser les systèmes agricoles », résume plus simplement Xavier Barat.

L’idée est de produire des ressources alimentaires tout en préservant les écosystèmes et de s’appuyer, pour cela, sur les services rendus par la nature. Planter une haie, par exemple, sert à la fois de refuge et de garde-manger pour la biodiversité. Mais c’est aussi l’occasion d’accueillir dans sa ferme des prédateurs chassant les ravageurs de cultures et de protéger bétail et céréales des rafales de vent. Quant à diversifier les rotations de cultures sur une parcelle, voilà la promesse de prévenir l’apparition de maladies tout en préservant les qualités et la vie du sol.

 Du neuf avec du vieux

« Il est impossible de mettre toutes ces initiatives agroécologiques dans des cases. En ce sens, raisonner en termes de label apparaît vite insuffisant », souligne Juliette Porte. Pour savoir de quelle façon un agriculteur s’engage pour l’environnement, le mieux serait d’aller à sa rencontre.

Quant à l’abondance de nouveaux termes techniques et d’anglicismes (le semis direct sous couvert, le carbon farming…), ces derniers ne doivent pas induire en erreur : l’agroécologie ne cherche pas à réinventer de A à Z les systèmes de production. Elle s’appuie avant tout sur des techniques déjà éprouvées, mais qui avaient été délaissées, voire oubliées, car ne répondant pas aux exigences productivistes d’après-guerre. « L'agroforesterie en est un bon exemple », illustre Juliette Porte. « Jadis, l'agriculture ne se faisait pas sans arbres. Haies, bosquets, cultures sous couvert forestier et sylvopastoralisme faisaient partie du paysage agricole rural. Si l’arbre a été par la suite effacé des systèmes agricoles, son absence a fait prendre conscience de son importance cruciale. »

L’agroécologie peut-elle nous nourrir ?

L'un des principaux freins pour développer à grande échelle l’agriculture biologique serait un manque de ressources fertilisantes. Pietro Barbieri tord le cou à cette idée reçue : « Les surfaces en bio représentent aujourd’hui environ 1,5 % de la surface agricole mondiale. En fertilisant les sols uniquement grâce à la culture de légumineuses et aux déjections animales, sans engrais de synthèse, il serait possible de passer à 60 %. Et l’on pourrait aller encore plus loin en valorisant mieux nos déchets alimentaires ! » La marge de manœuvre est de taille. Ce monde bio ne serait toutefois possible qu'en réduisant notre consommation carnée tout en diversifiant les types de production à petite échelle, « soit un retour au système de polyculture – élevage », souligne-t-il.

« Penser l’agriculture de demain au regard des fermes n’est pas suffisant : il faut également raisonner en termes de filières », met par ailleurs en garde Xavier Barat. Si l’on souhaite par exemple plébisciter le pâturage tournant en lieu et place du maïs pour nourrir le bétail, il faut alors repenser les filières coopératives d’élevage structurées autour de cette plante.

De la question du coût réel d’un aliment à celle du temps de travail que demande l’agroécologie, les intervenants ont exploré, avec le public, le champ des possibles. Entre connaissances théoriques et témoignages, des échanges à redécouvrir en podcast !

 

Par Yoann Frontout, journaliste scientifique et animateur des Rencards du savoir

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